• Le lendemain, la journée du petit groupe fut bien moins animée que la veille. Tous se contentèrent de s'entasser pêle-mêle sur le canapé en grignotant devant des séries et films. Ils avaient toujours aimé passer du temps ainsi. Cependant, à mesure que l'heure fatidique approchait, ils sentaient leur chagrin refaire surface. Ils décidèrent donc de s'affairer à la confection d'un solide panier repas. Puis, lorsque ce fut fait, la sonnette retentit tel un glas : l'heure était venue pour eux de repartir.

    C'est sur le pas de la porte qu'ils se dirent « Au revoir », Leigh étant la seule personne disponible pour les reconduire : Bastien était tombé en panne sur le chemin du retour, Icarus lui, était repartit chez son oncle chez qui il logeait, le temps d'un stage. Ludwig, quant à lui, avait été interdit de revenir par ses amis : ses révisions passant avant tout. Bien que la séparation se fit le plus rapidement possible afin que tous n'en souffrent pas trop, la blonde n'eut pas le cœur à rester seule dans cette maison à présent si vide.

    Elle se rendit dans la salle de bain où elle s'évertua à effacer toute trace de larmes de ses joues. Puis, elle quitta le pyjama informe qu'elle avait conservé pour passer une robe blanche cintrée à la taille. Des roses roses étaient imprimées sur celle-ci. Enfin, elle réalisa un maquillage léger, encore une fois : pour masquer le chagrin qui avait cerné son regard.

    Quand elle fut fin prête, elle se rendit au parc, repéré la veille lors de leur retour avec Bastien. Chemin faisant, elle repéra le lycée, ainsi qu'un petit café. Elle savait que la boutique de Leigh devait se trouver quelque part dans ces rues, mais elle préféra ne pas s'y aventurer : elle craignait encore trop de s'y retrouver seule.

    Le parc était bien plus animé que le chemin qu'elle avait pu emprunter pour s'y rendre : des familles s'y promenaient, des sportifs y faisaient leur footing ou leurs exercices et nombre de promeneurs de chiens s'y croisaient.

    Elle n'eut toutefois pas le loisir de s'y promener longtemps. Alors qu'elle empruntait un sentier menant à un banc près du point d'eau, quelque chose la percuta avec une force inouïe ! Incapable de garder son équilibre, elle chuta lourdement et reçut bientôt une multitude de léchouilles sur le visage.

    Hilare, elle vit finalement le chien qui lui avait sauté dessus et tenta de l'éloigner d'une main douce... trop douce pour qu'il ne s'en formalise.

    – Aaaah, nooon, arrête, s'esclaffa-t-elle. Je suis maquillée, c'est pas bon ! Il est où ton maître ?

    – Démon... ça suffit ! Claqua une voix grave d'un ton sec.

    Immédiatement, le beauceron s'assit tout en se léchant les babines et en regardant son maître. Le jeune homme était grand, vêtu d'une veste courte en cuir noir. Il arborait une chevelure d'un rouge vif et son regard gris acier, bien que rieur en cet instant, paraissait être strict la plupart du temps. Au sol, la blonde continuait de rire tout en s'essuyant le visage. La situation n'était pas sans lui en rappeler une autre, toutefois, elle ne s'en formalisa pas : elle avait rencontré tant de chiens se nommant « Démon ».

    – Il t'a pas loupée, s'amusa le jeune homme.

    Il lui tendit la main et la vit lui adresser un sourire franc en acceptant son aide. Une fois sur ses deux pieds, elle s'épousseta et adressa un regard rieur à Démon, qui continuait de la fixer en remuant la queue.

    – Tu es adorable, toi...

    – Haha ! J'en connais qui diraient pas ça, surtout après qu'il t'ait fait tomber. C'est marrant... d'habitude il n'est pas si amical.

    Il sourit en la voyant lier leur regard et hausser les épaules d'un air enfantin. Elle se tint alors les mains derrière le dos et continua de lui sourire, le feu aux joues.

    – Bon... Merci de m'avoir aidée. Je... Je peux lui faire une dernière caresse ?

    Étonné, il comprit qu'elle souhaitait prendre congé, mais appréciait réellement Démon. Il lui tendit sa laisse en relevant fièrement la tête, un fin sourire étirant ses lèvres :

    – Tu préfères pas le promener un peu ? Si ça te dis, on peut quand même discuter un peu. C'est la moindre des choses, après t'avoir salie. Et puis il y a un stand qui vend des cafés pas loin. Je t'invite.

    La blonde émit un rire et tint fermement la laisse tendue. Castiel en profita pour fouiller dans sa poche intérieure et en extirpa un paquet de cigarettes. Toutefois, il n'eut pas le loisir d'en prendre une : lorsqu'il se rendit compte que ça n'était plus son maître qui tenait la laisse, Démon voulut la tester et se mit à courir sans crier gare. En la voyant prête à basculer à nouveau, le jeune homme eut pour réflexe de lui ceinturer la taille pour la retenir, et éclata d'un rire franc :

    – Ça va, tu tiens bon. Démon ! Bah alors mon vieux... Qu'est-ce que tu nous fait ?

    Pour toute réponse, le beauceron remua fièrement la queue et vint quémander une nouvelle caresse à son maître. Alors qu'il s'apprêtait à conduire la jeune femme jusqu'au café se trouvant juste à côté du parc, une sonnerie retentit. Immédiatement, elle lui confia la laisse et décrocha lorsqu'il s'en saisit. Il la vit s'éloigner de quelques pas, mais fut capable d'entendre toute la conversation, son téléphone étant réglé bien trop fort :

    – Séra ? Mais où es-tu ? Les garçons sont repartis sans difficultés. Là je suis chez toi et je ne t'y vois pas... Je me suis inquiété !

    – Oh, Leigh ! Je... Je suis désolée ! Je pouvais pas rester à la maison... je suis au parc.

    – Attends-moi près de l'entrée principale, celle vers le lycée. J'arrive !

    Il raccrocha aussitôt. Séraphina rejoignit le jeune homme, qui lui adressa une mine mi-contrite, mi-intriguée. En la voyant à nouveau lier ses mains dans son dos, il ne put réprimer un sourire franc : visiblement ce geste était signe de nervosité chez elle.

    – Tout va bien ? S'enquit-il.

    – Oui. Un ami vient me chercher, je ne voudrais pas le faire attendre. Merci pour Démon !

    Il s'en amusa et secoua la tête, incrédule :

    – J'en reviens pas... Mon chien te renverse et toi, tu me remercie. Je t'accompagne, ou pas ?

    Soudain, il vit l'étincelle dans son regard s'éteindre. Elle baissa la tête, comme en proie à de sombres pensées. Sentant son cœur se serrer à sa vue, il comprit qu'elle ne souhaitait pas plus que ça demeurer en sa compagnie et il ignorait pourquoi. Il lui ébouriffa les cheveux et déclara simplement :

    – T'es nouvelle, c'est ça ? On se recroisera peut-être au lycée.

    Il commença à s'éloigner d'un pas tranquille, quand il se rappela d'une chose : il se retourna et lui cria :

    – Moi c'est Castiel !

    La blonde l'entendit, mais ne sut que faire de cette information. La proposition, ainsi que la situation lui avaient rappelé son inconnu et tout le mal qu'il lui avait fait. À cet instant, elle n'avait plus qu'une envie, comme lorsque de telles situations lui arrivaient : se réfugier auprès de ses amis.

    En effet, depuis cette rencontre, elle avait beau sympathiser comme à cet instant avec des inconnus, s'il s'avéraient trop entreprenants, elle s'en effrayait, de crainte de revivre une telle déconvenue.

    Elle en était là de ses pensées, quand deux bras vinrent la cueillir : elle avait marché d'un pas morne vers le point de rendez-vous et ne s'était pas rendue compte du temps qui avait passé. Instinctivement, elle noua ses bras autour de la taille de son ami et vint loger sa tête tout contre son torse. Leigh l'étreignit plus encore et lui souffla :

    – Mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Allez viens, on passe par la boutique pour te changer et on avisera après...

    D'un geste doux, il vint saisir sa main et entremêla leurs doigts. Sur le chemin, elle lui raconta sa rencontre ainsi que la raison pour laquelle elle était aussi sale. Ce n'est qu'une fois parvenus à la boutique du jeune homme, qu'il la vit reprendre vie : elle avait reconnu une tenue trônant fièrement au fond du magasin. Elle commença à s'en approcher, puis se retourna sur lui, lui adressant un sourire radieux. Il lui rendit son sourire, tandis qu'il pliait sa veste et la déposait sur le comptoir.

    – C'est celle du concours ! Tu l'as gardée ?!

    – Haha, bien évidemment ! Malheureusement, si tu veux la porter à nouveau, il me faudra faire quelques retouches. Séra... Prends ce qui te plaira. Je t'emmène manger dehors, ce soir.

    Comme il s'y était attendu : une moue boudeuse lui répondit. La jeune femme se tenait devant lui, les mains derrière le dos, les pieds entremêlés et les joues gonflées. Elle lui jetait un regard qui se voulait dur et offusqué, mais elle ne parvint qu'à lui arracher un éclat de rire.

    – J'en connais qui ne diraient pas non.

    – Sauf que moi, tu me connais ! Si tu veux, on va chercher Lysou et vous venez manger à la maison. C'est bien aussi, ça !

    Bien décidé à lui faire accepter son invitation, il croisa les bras sur sa poitrine et releva la tête, essayant de se donner un air plus impressionnant. Toutefois, son trop large sourire trahissait son amusement certain. Il aimait ce fossé qui la séparait de sa petite amie : qui aurait tôt fait de dévaliser sa boutique et aurait accepté l'invitation, à condition que cela soit dans un restaurant au lieu de chercher à lui concocter un repas maison.

    – Ne veux-tu pas qu'un chef s'en charge pour toi, pour une fois ?

    Il s'amusa de la voir se décomposer devant lui, et lui jeter un regard presque triste. Elle déclara d'une voix trop enfantine :

    – T'aimes pas ma cuisine ? Promis ! Je me suis améliorée depuis la dernière fois... Et puis même hier ! Tu...

    S'en fut trop pour Leigh qui explosa littéralement de rire et vint lui caresser le sommet de la tête. Il se souvint de la fois où elle avait confondu deux laits, dans la ferme de ses parents et lui avait fait un gratin dauphinois au lait maternel de chèvre... Le résultat fut... peu concluant. Il lui susurra d'une voix tendre :

    – Bien sûr que je l'adore. Mais j'aimerais que l'on se change un peu les idées, tous les deux.

    Comme il s'y était attendu, elle nota immédiatement la formulation qu'il avait utilisé et lia leurs regards, inquiète :

    – Ça va pas ?

    – Je te parlerai de tout ça. Mais en attendant, change-toi donc. Sinon, nous serons bel et bien forcés de manger chez toi. Et j'ai pour souvenir que tu n'as plus beaucoup de provisions. Ton grand-père n'avait sans doute pas prévu qu'un troupeau d'ogres envahirait ta maison.

    Un rire enfantin lui répondit :

    – Koga c'est l'Âne ! Et moi... le Chat Pottlé.

    Elle suspendit son sourire en constatant que son ami ne paraissait pas avoir la référence et affichait une mine fermée, voir attristée.. D'une main douce, elle vint lui caresser la joue et partit enfin entre les rayons.

    – T'en fais pas, c'est un dessin animé, du coup, tu dois pas trop connaître... Enfin... Non, c'est pas ce que j'ai voulu dire. Je... On le regardera !

    La blonde n'avait pas manqué d'entendre son soupir. Elle voyait peu à peu qu'elle le blessait souvent, lorsqu'elle évoquait le fait que lui était adulte, plus mature ou que tous deux n'avaient pas forcément les mêmes centres d'intérêt. Il s'intéressait à ce qu'elle lui montrait, mais si elle ne faisait pas l'effort de le sortir de sa zone de confort, il ne se risquait pas à le faire par lui-même. Comme pour se faire pardonner, elle lui demanda :

    – Leigh... je privilégie quoi, comme tenue ? Tu veux aller où ?

    – Ça dépend de toi : où souhaiterais-tu aller ? J'ai entendu dire qu'un très bon restaurant avait ouvert dans la ville voisine.

    La blonde releva la tête tandis qu'elle cherchait dans sa mémoire. Elle était sûre d'avoir vu un prospectus, chez Louis. L'établissement semblait très chic. Elle pinça les lèvres en s'imaginant au beau milieu du « gratin ».

    – Moi j'aurais plus dit une cafét'. En plus, j'ai pas fait mes photos pour demain... Ou un café. Ou un fast food, je crois que je t'ai encore jamais vu manger avec les doigts.

    – N'exagérons rien, rougit-il. J'ai bien mangé mes brochettes...

    Il l'avait rejointe et lui tendait une superbe robe de soirée bleu roi aux amples manches fendues, resserrées sur les poignets par un bracelet de tissu. À nouveau, il éclata de rire en voyant l'article que la jeune femme était en train d'admirer, comme enchantée par sa vue. Il s'agissait d'un simple pyja-short blanc, possédant une petite queue à l'arrière, ainsi qu'un petit cœur rose sur la fesse. Le haut, quant à lui, était une sorte de gilet dépourvu de manches, blanc lui aussi, un cœur s'étendait du ventre jusqu'à la poitrine, qu'il venait rehausser. Une capuche à larges oreilles de lapin d'un blanc éclatant y était rattachée. Sans parvenir à se départir de son sourire, il secoua la tête :

    – Je ne doute pas qu'il t'aille à ravir, mais je ne suis pas sûr qu'on te laisse entrer dans cette tenue.

    Elle tourna vers lui un visage radieux et rieur, une lueur de défi brillait dans son regard :

    – Chiche, on essaie !

    – Va donc l'essayer, s'amusa-t-il.

    Séraphina vint déposer un baiser furtif sur sa joue et fila en cabine. Il vint l'attendre derrière le rideau, la robe reposant toujours sur son bras. Se doutant que sa sortie serait sans doute impayable, il sortit son téléphone et commença à filmer.

    Comme il l'avait deviné, il l'entendit fredonner d'une voie guillerette. Lorsqu'elle bondit hors du rideau, elle avait rabattu la capuche sur sa tête et secouait son derrière, afin d'en faire remuer la queue. Elle chanta d'une voix perchée :

    – Moi je veux être un biiiisous ! Oh j'en veux plein dans l'cou, un nounours...

    En réalisant qu'elle était filmée, elle marqua un temps d'arrêt, puis vint poser ses mains sur son bras tandis qu'elle sautillait joyeusement, faisant bondir ses immenses oreilles avec elle.

    – Oh oui ! Envoie-la aux garçons, s'il te plaît !

    Bien qu'amusé, le brun soupira. Il s'était toujours demandé quand est-ce qu'elle viendrait à reparler de son groupe. Non pas qu'il ne les appréciait pas, mais même éloignés, ils plaçaient toujours une barrière entre eux. L'empêchant de profiter pleinement de l'instant présent avec lui, et seulement lui.

    En voyant sa mine déconfite, la blonde lui caressa la joue de son index replié et lui fit les yeux doux. Il s'empourpra en croisant son regard et bafouilla :

    – S-séra.... Qu'est-ce que tu as ?

    Il sentait son cœur s'emballer et à son tour, il vint prendre sa joue au creux de sa main. C'est alors qu'elle lui sourit à nouveau et lança :

    – À ton tour ! Il y en a un noir aussi, il t'ira trooop bien !

    – Sans façon, souffla-t-il, amusé.

    À l'instant même où il lui tendit la robe qu'il souhaitait la voir porter, le son du carillon fixé au-dessus de la porte d'entrée résonna. Alors qu'il s'apprêtait à annoncer à l'intrus que la boutique était fermée, il vit Séraphina accourir vers lui.

    – Lysou !

    Le victorien fixa son amie : abasourdit. Il les avait aperçus, tous les deux, depuis la vitrine. Toutefois, il ne s'était pas attardé sur sa tenue et ne s'était pas attendu à la trouver ainsi vêtue. Bien qu'il dut s'avouer qu'elle lui allait à ravir, il chercha à en comprendre la raison. La blonde lui raconta alors sa rencontre avec Castiel, sa chute, sa robe salie et Leigh qui lui avait offert de se changer. Lorsqu'elle évoqua le dîner, Lysandre posa un regard sévère sur son frère :

    – Tu as pensé à Rosa ?

    Peu désireux de s'en laisser conter, son aîné vint attirer Séraphina à lui et lui chuchota de bien vouloir tout de même prendre une tenue de sortie. Lorsqu'elle se fut éloignée, il lui fit un signe de tête, l'invitant à le suivre dans son bureau.

     

    Une fois la porte fermée, les deux frères se défièrent du regard. Ce fut Lysandre qui parla le premier :

    – À quoi tu joues ?! Je vous ai vu depuis la vitrine !

    – Je te signale, cher petit frère, que je suis célibataire. Je fais ce que je veux !

    Sentant la moutarde lui monter au nez, Lysandre vint plaquer ses mains sur le bureau les séparant, tandis que Leigh prit place dans son fauteuil.

    – Vous êtes en froid, pas séparés que je sache.

    – Ça, c'est ce qu'elle t'a dit. Comme à chaque fois, grogna-t-il, excédé.

    Depuis qu'il avait laissé faire et s'était donc retrouvé en couple, Leigh n'avait de cesse d'entendre la blanche lui répéter qu'il ne lui montrait pas assez son amour. Il avait tout d'abord essayé de lui témoigner l'affection qu'il lui portait bel et bien, mais jamais rien ne semblait lui convenir. Lorsque, suite à l'un de ses caprices, il lui avait offert une bague, elle avait parut se calmer. La dernière dispute en date avait ensuite éclatée, lorsque dans l'un des restaurants dans lequel elle avait souhaité se rendre, un malheureux avait fait sa demande à sa douce. Voyant qu'il ne cédait pas à ses demandes détournées, elle avait à nouveau clamé qu'il ne l'aimait pas et s'en était allée.

    Il était las d'une telle relation et en rêvait depuis longtemps d'une toute autre, plus douce, plus centrée sur ses désires, moins axée sur les apparences. Lysandre se radoucit en voyant son frère ainsi prostré. À chacun des éclats du couple, c'est lui qui s'était évertué à les rapprocher à nouveau. Il vouait une grande affection à la jeune femme et ne supportait pas de la savoir malheureuse. Il réalisa qu'il n'avait alors jamais demandé son avis, à son frère.

    – Pourquoi Séra ?

    Il s'étonna de voir Leigh lui adresser un sourire sans joie, la tête toujours entre ses mains.

    – Et toi ?

    Le plus jeune s'empourpra et aucun des deux ne répondit à cette question.

     

    Après quelques minutes, ils entendirent quelques coups timides frappés à la porte. Lorsqu'ils sortirent, ils reçurent la blonde dans leurs bras réunis. Celle-ci avait remit la robe qu'elle portait un peu plus tôt et n'avait fait que remettre en ordre ce qu'ils avaient pu déplacer, en attendant qu'ils aient achevé leur discussion.

    – Vous disputez pas... Vous avez la chance d'avoir l'autre, alors... vous fâchez pas...

    Les deux frères échangèrent un regard entendu et soupirèrent. Chacun lui assura que non, il ne désirait pas se mettre à dos l'autre.

    Leigh offrit de bon cœur le pyjama à son amie, ne se doutant pas qu'elle avait d'ores et déjà caché le montant de celui-ci sous son comptoir. Ils finirent par commander une pizza qui arriverait chez la blonde, chez qui ils se rendirent ensemble.

    Le soir venu, tandis que la blonde conversait via sms avec son groupe, ils regardèrent quelques films que Leigh ne connaissait pas.

    NDA: Voilà qui le change, notre cher Leigh, non ?

    J'aime me l'imaginer à désirer autre chose que ce qu'il a actuellement. Parce que soyez franches... Rosa le mène comme un toutou, il n'a pas l'air de manifester beaucoup d'émotions, on dirait une méduse le pauvre.


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  • La blonde fut réveillée par une corne de brume sonnant à son oreille. Réalisant qu'il ne s'agissait que de son réveil, elle le désactiva et s'étira en baillant, tel un chat. Elle avait dormi sur les coussins de ses amis réunis et l'espace d'un instant, elle oublia où elle se trouvait. D'une voix douce, mais forte, elle appela :

    – Oscaaaar, c'est l'heure...

    Encore ensommeillée, elle descendit en cuisine, où elle prépara deux assiettes d’œufs au plat accompagnés de toasts. Ce n'est qu'en cherchant la table, qu'elle réalisa enfin : le déménagement. Pour une raison qui lui échappait, elle avait cru n'avoir que rêvé ces derniers jours, mais fut bien obligée de se rendre à l'évidence.

    Bouleversée, elle mit ses assiettes au frigo et regagna sa chambre. Là, elle prit son téléphone et constata qu'Oscar aussi, l'avait cherchée. Après quelques envois qui lui mirent du baume au cœur, elle fila à la salle de bain.

    Elle revêtit une robe noire cintrée, sur laquelle de petits boutons argentés étaient fixés, telles les tenues militaires d'époque victorienne. Ses épaules étaient, quant à elles, laissées à nue et ornées d'une large bande blanche. Une fois ses accessoires assortis, elle vérifia que son dossier d'inscription était bel et bien complet, retrouva ses photos d'identité dans son sac à main, et partit.

     

    En chemin, elle croisa le jeune homme rencontré la veille. Il lui adressa à peine un regard, aussi, elle se contenta de le saluer de loin d'un simple signe de main, puis ne lui accorda plus d'intérêt. Son attitude distante la rassurait plus que la veille.

    Ils arrivèrent au même instant dans la cour du lycée et c'est avec surprise, qu'elle le vit la rejoindre. Bien qu'étonnée, elle ne dit rien et continua d'avancer en direction de Lysandre, qui lui, lui fit un baisemain.

    – Te voilà bien mise. Pour ton premier jour au lycée. Je... Je...

    Il s'empourpra tandis qu'il bafouillait, tout en observant discrètement son ami. Castiel, quant à lui, le railla de bon cœur :

    – T'arrives bien tôt, ce matin.

    – J'avais oublié la raison pour laquelle je m'étais levé tôt.

    Il plongea son regard dans celui de la jeune femme, et souffla :

    – Je voulais venir te chercher.

    Il répondit à son sourire et s'amusa de la voir lui donner une brève étreinte :

    – C'est pas grave Lysou. Au moins t'es là à l'arrivée !

    – Vous... Vous êtes venus ensemble ? S'étonna-t-il.

    Pour toute réponse, Castiel leva les mains en signe d'innocence, pendant que Séraphina laissa échapper un rire :

    – Chacun sur son trottoir, ouaip. D'ailleurs ! Il faut que je vous laisse, je dois passer voir la directrice...

    Tandis qu'elle s'éloignait, Castiel, ne pouvant résister plus longtemps à l'envie qu'il gardait depuis plusieurs minutes, lui lança :

    – Non mais tu t'es trompée ! La maternelle, c'est de l'autre côté du parc.

    Piquée au vif, la blonde se retourna et sans se départir de son large sourire, elle lui jeta un regard plein de malice :

    – Il a dit quoi l'rouckmoute ? Il m'cherche ?

    Enhardi par cette réaction, le rockeur s'anima à son tour et courut dans sa direction, un large sourire éclairant son visage :

    – Oh bon sang, tu vas voir toi si j'te cherche !

    Lysandre vit la blonde accélérer le pas, hilare. Lorsque Castiel parvint à rattraper la jeune femme, il passa son bras autour de ses épaules, la ramena contre lui, et là, il lui ébouriffa les cheveux. La blonde explosa de rire et tenta tant bien que mal de réorganiser sa chevelure en la brossant de ses doigts. Lysandre observa la scène, interdit. De sa vie, il n'avait jamais vu personne sympathiser aussi vite. Et certainement pas Castiel, qui s'était contenté d'envoyer bouler Lynn, lors de son arrivée. Séraphina soutint son regard qui se voulait menaçant, et sourit à nouveau :

    – T'abuses, t'aurais pu faire ça après que j'ai été voir la directrice. Je ressemble plus à rien...

    En le voyant préparer une nouvelle boutade, elle s'empressa d'ajouter en levant un doigt menaçant :

    – Hey ! J'ai pas dit qu'avant c'était mieux.

    Le rockeur souffla du nez et lui donna une petite pichenette sur le front :

    – Bon par contre... on va établir quelques règles, prévint Castiel. Tu ne me colles pas, et tu as interdiction de m'appeler encore une fois rouckmout.

    – Et toi, tu ne me traites pas de gamine ou de petite fille... Et puis pourquoi j'aurais envie de te coller ? Oui je t'aime bien, on a sympathisé mais ça s'arrête là, t'inquiètes pas. Le lycée est grand je pense.

    Touché, Castiel lui tapota le sommet du crâne dans un geste affectueux. Il aimait bien la mentalité de la jeune femme et espérait qu'elle se tiendrait à cette ligne de conduite. Lysandre, quant à lui, observa ses deux amis d'un œil surpris : il s'était certes attendu à une bonne entente entre eux, mais pas aussi rapidement, ni naturellement.

    Comme convenu dans leur « pacte », Séraphina prit immédiatement congé du rockeur, bien vite suivie par le victorien, qui l'arrêta près du club de jardinage. Alors que Lysandre lui indiquait la route à suivre pour se rendre chez la directrice, il fut interrompu par Rosalya : une jeune femme à la longue chevelure blanche et aux yeux dorés. Elle était vêtue d'une robe si courte et de bottes si hautes, que la blonde rougit. Il lui avait déjà été donné de la croiser lors du concours auquel avait participé Leigh, mais toutes deux n'avaient encore jamais conversé.

    La blanche qui ne lui prêta tout d'abord pas attention, la reconnu finalement :

    – T'es pas le mannequin de mon Leigh ?

    Étonnée, Séraphina se tourna tout d'abord vers Lysandre, qui lui sourit :

    – Séraphina, vous vous êtes déjà rencontrées, mais je te présente Rosalya. Rosalya...

    – Oui oui, je connais, fit sèchement la blanche.

    Elle sembla se renfermer et déclara avoir à faire. Le victorien vint placer son poing sous son menton, en signe de réflexion et fronça les sourcils. Tandis qu'il cherchait à comprendre la réaction de son amie, la blonde lui caressa le bras en lui souriant :

    – Je vais aller achever mon inscription. On se verra soit peut-être après, ou en cours...

    Séraphina le laissa là et prit une grande inspiration avant de pénétrer dans le bâtiment : celui-ci était bondé d'élèves qui pour la plupart, s'affairaient autour de leurs casiers. Elle se fraya un chemin jusqu'aux escaliers désignés par le victorien. Là, elle monta à l'étage et bifurqua à travers quelques couloirs.

    Enfin, elle vit se dresser devant elle une porte vitrée, sur laquelle le nom de la directrice était inscrit. Elle frappa à la porte et entra lorsqu'on l'y autorisa. Toutefois, à peine entrée, la directrice lui hurla dessus :

    – Kiki ! Fermez la porte ! Mon petit Kiki va se sauver !

    In extremis, la jeune femme le rattrapa, hilare. Elle ferma la porte et conserva le corgi au creux de ses bras, tout en lui caressant distraitement le menton. Le chien parut apprécier, puisqu'il cessa de remuer et colla sa tête contre la jeune femme.

    Attendrie, la directrice reprit son calme et lui sourit :

    – Oooh, il vous aime bien. Vous devez être mademoiselle Korinna ? Asseyez-vous.

    – Oui madame.

    La blonde acquiesça et obtempéra. Une fois assise, elle déposa Kiki au sol et fouilla son sac à la recherche de son dossier, qu'elle lui tendit. Après avoir vérifié que tout était en ordre, la directrice reporta son attention sur la jeune femme :

    – Je suis navrée, mademoiselle, mais il faudra retirer cette petite peluche. Nous avons eu quelques ennuis il y a peu de temps de ça avec une élève. Depuis, elles ne sont plus autorisées au sein de l'établissement.

    Soudain, elle réalisa que dans sa hâte, elle avait fait tomber la peluche offerte par son inconnu dans son sac de cours. Elle réfléchit au moment où cela avait dû arriver, et se fit la réflexion que cela devait être pendant le déménagement.

    – Oh, s'étonna la blonde. Très bien, je la laisserai à la maison.

    En réponse, la directrice hocha la tête avec un sourire.

    – Je souhaiterai aussi que vous alliez aider l'un de nos deux clubs en manque de membres. Vous n'êtes pas contrainte de vous y inscrire : il s'agit du club et basket et du club de jardinage. Profitez donc d'une de vos heures de permanence.

    À nouveau, Séraphina opina du chef. Soudain, la directrice lui parut plus douce, plus détendue. Elle lui adressa un sourire bienveillant :

    – Je sais pour votre situation. D'ailleurs, votre grand-père a demandé à ce que comme nos internes, vous puissiez accéder au self le soir aussi, si vous le souhaitez. À la vue de votre dossier, je doute que vous fassiez comme notre autre émancipé et profitiez de ce statut. Mais restez néanmoins vigilante et surtout... J'aimerais que vous veniez me trouver en cas de problème et pas seulement concernant votre vie au lycée. Il n'est pas aisé d'être une jeune femme seule, alors...

    – Je vous remercie, madame. Mais j'ai des amis qui s'occupent bien de moi, je ne risque rien.

    La directrice s'étonna, mais parut apprécier la révélation. Elle lui demanda si elle possédait une connaissance au lycée et alors, Séraphina lui parla de Lysandre. Aussitôt, la directrice vint fouiller dans une étagère et en retira un porte-document :

    – Dans ce cas, vous intégrerez la première B au lieu de la A. Vous y retrouverez votre ami qui pourra vous guider davantage et vous transmettre ce que vous avez manqué. Rendez-vous en salle des délégués, près de l'entrée. Demandez-y Nathaniel, il est également dans votre classe. Il vous transmettra vos livres de cours, ainsi qu'un emploi du temps.

    En ayant fini, elle permit à Séraphina de prendre congés. La blonde dévala les escaliers, pressée d'en finir avec le côté administratif. Ce faisant, elle ne vit pas la haute silhouette devant elle, et la percuta de plein fouet. En la voyant prête à tomber, le rockeur la retint par la sangle de son sac à dos en riant :

    – J'avais dit quoi sur le fait de me coller ?

    – Oh non, je suis désolée ! Tu n'as pas mal, au moins ? Merci de m'avoir rattrapée !

    Il s'amusa plus encore de la voir si paniquée à l'idée de lui avoir causé un quelconque dommage. Alors qu'il lui lançait une boutade sur le fait de le prendre pour une petite chose fragile, il s'étonna de la voir s'éloigner au pas de course, en lui criant :

    – Je suis rassurée alors, encore pardon !

    D'un geste, il se passa la main dans les cheveux, étonné. Il s'était attendu à avoir une petite discussion, au lieu de ça, elle semblait le fuir.

     

    Parvenue en salle des délégués, elle interpella un jeune homme blond vêtu d'une chemise blanche, d'un pantalon simple et qui arborait une cravate bleue. N'osant le déranger, elle usa d'une voix trop douce pour qu'il ne l'entende. Il portait une pile de polycopiés qu'il déposa, puis remarqua enfin la jeune femme, dans l'embrasure de la porte. Il lui sourit et l'interrogea sur la raison de sa présence. Celle-ci lui rapporta les dires de la directrice.

    – Ah, super ! Je suis Nathaniel... mais ça, tu le sais déjà. On sera dans la même classe, alors n'hésite pas à venir me voir si tu as besoin d'aide. Je vais voir quel casier t'a été attribué, et on pourra aller chercher tes livres au CDI. Oh ! Et il me faudrait une photo, pour le trombi.

    Immédiatement, la blonde s'exécuta et fouilla dans l'une de ses poches. Le blond la retourna et constata avec plaisir qu'elle avait d'ores et déjà annoté son nom. Une fois collée sur la page correspondante, il l'invita à le suivre dans le long couloir déserté par les élèves. Elle put ainsi davantage observer la rangée de casiers qu'elle n'avait pu voir auparavant, ainsi que les salles de classe pourvues de hublot permettant de voir à l'intérieur.

    – Ton casier est tout près des escaliers, de la cantine et du CDI. Tu as le 665.

    – Mince, perdu !

    Surpris par son exclamation, il se tourna vers elle et la vit lui sourire :

    – J'avais presque le chiffre de « la bête ».

    Enfin, il parut comprendre, puisqu'il éclata à son tour d'un rire franc :

    – Tu ne crois pas si bien dire. Son propriétaire a un petit quelque chose de démoniaque aussi. Tu le rencontreras malheureusement, il est dans notre classe.

    – Tant qu'il vient pas me bouffer parce que j'ai rangé mes affaires, ça me va.

    En voyant qu'elle bénéficiait d'un grand casier, elle s'excusa auprès de Nathaniel et sortit une photo d'elle et ses amis, qu'elle s'empressa de scotcher à l'intérieur. Puis elle déposa sa peluche et le referma. Là, elle lui sourit à nouveau :

    – Merci. Je suis prête pour la suite. Je tenais vraiment à le faire maintenant parce que j'avais peur que la photo ne se torde...

    – Il n'y a pas de mal. Tu as été rapide. Bien... J'en profiterai pour te faire visiter le CDI. Quoi que... vu l'heure, nous aurons tout juste le temps de te donner tes livres. Ce sera pour une prochaine fois.

    Elle lui sourit tout en haussant les épaules. Lorsqu'il pénétra dans le CDI, la documentaliste l'informa que les livres de la nouvelle avaient eu du retard et qu'ainsi, il ne leur serait pas permis de lui en fournir avant au moins une semaine.

    Après une brève réflexion, Nathaniel choisit de lui faire visiter le CDI. Toutefois... la visite tourna rapidement court : tous les CDI se ressemblant, la blonde en comprit rapidement le fonctionnement. Sans se démonter, il lui parla alors des romans policiers qu'il affectionnait. À ça, la blonde lui répondit par un sourire contrit :

    – Avec les répétitions, j'ai jamais vraiment le temps de lire. J'ai de bonne bases et connais mes classiques, mais... Depuis quelques temps, je suis plus manga ou fantaisie. Je préfère souvent les films policiers.

    Nathaniel lui adressa un sourire aimable :

    – On ne peut pas toujours avoir les mêmes goûts. Mais au moins, nous avons les films policiers en commun !

    – Haha, serait-ce un projet de carrière ? S'amusa la blonde.

    Un signe de tête lui répondit que non. C'est alors que la sonnerie annonçant le début des cours retentit. Séraphina, qui jusque là s'était montrée à l'aise ramena brusquement ses bras contre elle, visiblement terrifiée.

    Le délégué eut un petit pincement au cœur en constatant son malaise et vint lui prendre la main qu'il serra avec bienveillance.

    – Allez, n'aies pas peur. Nous sommes dans la même classe, tu n'auras qu'à rester avec moi. Et puis ils ne sont pas bien méchants.

    La blonde hocha la tête en signe d'accord et le suivit. Alors qu'elle l'observait, elle réalisa que son air sérieux mais doux, n'était pas sans lui rappeler Amalrik. Elle qui avait tout d'abord souffert de l'absence de Koga à ses côtés, eut alors l'impression de retrouver l'image d'un grand-frère. Un rire soulagé lui échappa, tandis qu'elle vint étreindre son bras.

    Ils se trouvaient alors devant la porte de la salle de classe et bien qu'il tenta de ne rien laisser paraître, Nathaniel arborait un teint d'un carmin soutenu. Il bafouilla en l'invitant à entrer : tous leurs camarades étant déjà installés face à leur professeur.

    Celui-ci s'avérait être monsieur Faraize : professeur d'histoire géographie. C'était un homme affable quoi qu'un peu nerveux. Il posa son regard rose sur sa nouvelle élève et l'invita à venir le rejoindre d'un ton qui se voulait rassurant. La blonde inspira profondément et marcha à travers la classe. Parvenue au tableau, elle ferma un instant les yeux et pensa :

    – Comme sur scène... C'est comme sur scène...

    Lorsqu'elle les rouvrit, elle croisa le regard tendre de Lysandre et vit Castiel et Nathaniel lui adresser un petit signe de tête : comme pour l'encourager. Elle balaya un instant le restant des élèves du regard : tous à l'exception de quelques filles semblaient amicaux. Un large sourire s'étira sur son visage et alors, elle déclara d'une voix presque chantante.

    – Bonjour à tous ! Moi, c'est Séraphina. Séra pour ceux qui le voudront. Je ne vais pas vous gonfler trop longtemps !

    Elle pinça ses lèvres et regarda son professeur, tout en jouant nerveusement avec ses bras qu'elle s'amusait à faire rebondir contre son corps. Voyant qu'il ne protestait pas, elle reporta son attention sur la classe et leva les mains au ciel :

    – Ayé... fini.

    Alors qu'elle allait rejoindre le fond de la salle, monsieur Faraize la rappela :

    – Mademoiselle Korinna, gronda-t-il gentiment. Parlez-nous donc un peu plus de vous : d'où venez-vous ? Quelles sont vos passions ? Comment était votre ancien lycée... ? Permettez à vos camarades de vous connaître un peu plus.

    Séraphina vint reprendre sa place et à nouveau, elle se tint les mains derrière le dos et se lança :

    – J'arrive d'Armor Shield. En train, c'est à environ trois heures d'ici.

    Subitement, elle sentit l'émotion la gagner : sa vue se brouilla, tandis qu'un sanglot perlait dans sa voix. Évoquer Armor Shield la ramenait à tout ce qu'elle avait été obligée de laisser là-bas : ses souvenirs, ses plus chers amis, sa vie...

    Alors qu'elle allait craquer, une jeune femme blonde aux yeux verts et vêtue à la mode lui lança d'une voix nasillarde :

    – Korinna... Comme les boutiques de luxe ? T'es de cette famille ?

    À nouveau, la blonde joua avec ses bras et lui répondit, étonnée :

    – Grand-père ne tient pas qu'une chaîne de boutiques de luxes. Mais... oui. Tu t'y intéresse ?

    – Naturellement, déclara-t-elle en passant sa main dans ses cheveux. Si tu as besoin de quoi que ce soit ici, viens me voir. Je suis sûre qu'on deviendra très amies.

    – Ouais, bah moi pas, pensa Séraphina.

    Elle avait été habituée à ce genre de personnes et fort heureusement, ses parents lui avaient très tôt appris à les repérer et à les éviter comme la peste. Oubliant même de lui répondre, elle poursuivit, quelque peu regonflée :

    – Pour mon lycée, si quelque chose vous intéresse, venez plutôt demander. Je ne connais pas encore celui-ci, donc je ne saurais pas vous dire les différences. Quant à mes passions... la principale reste la musique.

    Sans même le vouloir, elle fit un sourire de chat à son professeur et lui demanda si cette fois-ci, elle pouvait y aller. Amusé, il émit un rire et balaya la salle du regard :

    – Vous pouvez aller vous asseoir à côté de monsieur Duclos ou de monsieur Jacott.

    Perdue, elle fixa longuement son professeur : elle ne connaissait déjà pas leurs prénoms, alors leurs noms ! Plusieurs rires vinrent accueillir cette réaction. Lysandre, de son côté, demanda à Violette qui se trouvait à ses côtés si cela ne l'ennuyait pas de céder sa place : pour cette fois. Cependant, la douce jeune fille n'eut pas le temps de se lever, que déjà Nathaniel interpellait la blonde en souriant :

    – Ici Séra. Je suis monsieur Jacott.

    La blonde s'empressa de le rejoindre en riant à son intervention. Elle avait aperçu Lysandre, juste derrière la place qu'il lui fallait prendre. Aussi s'en trouva-t-elle rassurée. Tandis qu'elle s'asseyait, elle lui tendit une main qu'il serra, étonné.

    – Bonjour monsieur.

    Amusé, il la lui serra en retour et plaça son livre entre eux deux.

    Le cours put commencer, après que monsieur Faraize ait rappelé à la blonde que le cours se passait au tableau, et non sur le bureau de Lysandre. Un peu plus tard, tandis qu'un exercice était en cours et que Nathaniel et Séraphina étaient tous deux penchés sur le même livre, le blond reçut un morceau de gomme à l'arrière du crâne.

    Immédiatement, son regard se porta sur Castiel, qui paraissait travailler paisiblement. Pensant à une mauvaise blague de quelqu'un d'autre, il se replongea dans la lecture d'un texte dont il lui fallait tirer des informations. Cependant : dès que la blonde vint lui demander une information en pointant un passage du doigt, et qu'il se pencha sur la feuille de la jeune femme afin de lire la réponse qu'elle avait donnée, il fut à nouveau heurté par un projectile. Le phénomène se reproduisit durant l'heure suivante.

    Profitant d'un changement de salle, Lysandre était ensuite venu rejoindre la blonde et avait ainsi pu s'installer à ses côtés. Étrangement, ce fut lui qui devint la cible des projectiles.

     

    Lorsque enfin la sonnerie annonçant la pause de midi retentit, Lysandre donna rendez-vous à la blonde à l'entrée du lycée. Quand elle voulut sortir de la salle, elle fut retenue par Ambre et deux de ses amies. Celles-ci ne paraissaient guère plus amicales que celle qu'elle identifia comme leur meneuse. Bien qu'elles tentèrent de se donner des airs plus doux et attentionnés, il était évident que leur nature était toute autre.

    – Attends voyons, lui sourit Ambre. Les filles et moi on allait manger dehors, ce midi. Ça te dirait de te joindre à nous ?

    Le cœur de Séraphina battait à tout rompre : l'unique sortie était condamnée par ces filles et pour ne rien arranger : elles étaient seules. D'ordinaire, Koga ne la quittait jamais dans leur lycée, bien qu'ils y connaissaient toutes les filles et qu'aucune d'entre elles n'ait pu représenter un danger.

    Cette fois-ci, elle était seule en terre inconnue et bien qu'elle se douta qu'Ambre et ses amies ne lui feraient rien de mal, elle ne parvenait pas à se départir du souvenir de ce fameux soir. Pressée de rejoindre la foule, elle tenta de passer après leur avoir sourit.

    – Désolée les filles, mais Lysandre m'attend, on avait déjà prévu quelque chose.

    Voyant Charlotte et Lee se serrer l'une contre l'autre pour lui bloquer le passage, elle recula en saisissant son médaillon, comme un talisman.

    – Tu sais, c'est pas donné à tout le monde d'être repéré par la fille la plus populaire du lycée. C'est une grosse faveur que te fait Ambre, expliqua Charlotte.

    La voix légèrement tremblante, Séraphina affirma :

    – Oh mais j'en doute pas ! Mais j'ai VRAIMENT un truc de prévu. Je vais être en retard...

    – C'est quoi ce bordel ? Déclara une voix grave.

    Immédiatement, Ambre se retourna et commença à entortiller ses cheveux autour de son doigt, tout en s'empourprant. Castiel se tenait derrière le trio et paraissait fulminer. Lorsqu'il aperçut la blonde, transie de peur contre le bureau du professeur, il écarta lui-même Charlotte et Lee et lui adressa un signe de tête :

    – Allez viens.

    – Oh mais attends, Castiel ! Roucoula Ambre. On voulait juste l'inviter, on discutait et...

    Le regard qu'il lui jeta la glaça jusqu'à l'os. Profondément choquée par la colère qu'elle y lut, elle reporta son attention sur Séraphina, qui, au bord des larmes, se jeta sur le rockeur, qu'elle enlaça. Il passa un bras protecteur dans son dos et lança un dernier avertissement à Ambre :

    – Plus jamais tu me la bloques comme ça.

    Sans même attendre de réponse, il l'entraîna à travers un dédale de couloirs avant d'emprunter un escalier.

     

    Tous deux débouchèrent sur le toit, où la blonde le lâcha finalement, les joues en feu. Elle fit quelques pas en arrière et sans oser le regarder, elle balbutia une série de remerciements et d'excuses mêlées. Castiel l'observa avec un pincement au cœur. Pour se donner contenance, il alluma une cigarette et vint s'appuyer sur le garde-fou.

    – Pourquoi tu t'excuses autant ? Demanda-t-il d'une voix rude. Entre ça et tes fuites, on dirait que j'te fout les j'tons...

    Surprise, elle l'observa et vint prendre appuie à côté de lui, avant de tousser à cause de sa fumée. Après s'être mise dans le sens du vent, elle observa la ville, tout en déclarant :

    – Toi, t'as oublié ton pacte. Et non... j'ai pas peur de toi, sinon tu te doutes bien que je ne me serai pas jetée comme ça sur toi. D'ailleurs...

    Elle rougit à nouveau et baissa la tête, d'une voix à peine audible, elle souffla :

    – Vraiment... merci. Je ne sais pas pourquoi, mais... Enfin... tu me rassures. Hier au parc, je n'y aurais jamais cru. Pas si vite, tout du moins. Et ça me perturbe un peu.

    Un trop large sourire s'étira sur le visage du rockeur, qui se contenta de lui ébouriffer copieusement les cheveux en mordant sa cigarette. Il s'amusa de la voir rire à ce geste, puis, il se baissa pour plonger un regard sévère dans le sien sans lui faire lever la tête.

    – Ton portable...

    – Hm ?

    Elle l'observait, la tête inclinée, les mains dans le dos et les lèvres pincées. À cette vue, Castiel dut lutter pour arrêter de sourire et lui tendit sa main, paume vers le ciel. Lorsque la blonde y glissa la sienne, il soupira et faillit céder à une pulsion lui dictant de l'étreindre.

    – Non, mais... Donne ton téléphone.

    – Oh ! Héhé... pardon.

    Elle fit glisser son sac devant elle et en extirpa l'objet de sa convoitise, qu'elle confia sans la moindre hésitation au rockeur et lui indiqua comment le déverrouiller. Il y aperçu la même photo présente dans le médaillon et sans s'en formaliser, entra son propre numéro dans sa liste de contact. Enfin, il lui rendit et regagna son observatoire :

    – La prochaine fois : tu m'appelles. C'était des conneries, le fait de me coller. J'ai bien compris que t'es réglo.

    Il sourit à nouveau, lorsqu'il sentit une petite tape digne d'une caresse dans son dos. Étrangement, il comprit qu'elle s'apprêtait à partir. En effet, la blonde s'apprêtait à rejoindre Lysandre dont elle craignait qu'il ne l'ait oubliée.

    – Merci... Je saurais te revaloir ça, un jour.

    – T'as intérêt, marmonna-t-il avec un fin sourire.

     

    Lorsqu'elle pénétra dans la cour, elle eut la surprise de voir Lysandre s'éloigner en compagnie de Rosalya. Tous deux semblaient discuter avec animation... Tout du moins : la blanche parlait et Lysandre écoutait. Elle soupira en constatant qu'il l'avait tout simplement oubliée. Cela n'arrivait que très rarement, et en général, le victorien exprimait ensuite son profond regret. Elle ne lui en voulait pas plus que cela, mais cet événement ne fit qu’accroître plus encore son sentiment de dépaysement et le manque qu'elle ressentait. En se souvenant qu'Ambre et ses sbires étaient aussi supposées manger à l'extérieur, elle n'osa pas quitter l'établissement.

    N'ayant pas le cœur à gagner la cantine pour s'y restaurer seule au milieu de tous ces inconnus, elle déambula un instant dans la cour désertée. Ses pas la menèrent jusqu'au club de jardinage, où elle vit trois rosiers pourvus de jambes, qui semblaient prêts à basculer. Amusée, elle vint aider le malheureux en le délestant de l'un de ses rosiers.

    Un jeune homme aux cheveux et au regard vert paraissant avoir la vingtaine lui sourit aimablement.

    – Merci, tu me sauves. Je suis terriblement en retard, je devrais avoir déjà terminé.

    Une fois leur fardeau déposé, il voulut lui serrer la main, puis se ravisa en voyant qu'elle était pleine de terre. Amusée, la blonde la lui serra tout de même.

    – Oh... Attends, elle est sale...

    – C'est rien, c'est qu'un peu de terre.

    – Héhé, oui, mais je ne voudrais pas te salir. Je m'appelle Jade, je suis en apprentissage. Et toi ? Tu étudies ici ?

    La blonde opina du chef et vint l'aider à soulever un sac de terreau :

    – Séraphina. Et c'est ça ! Là, je commence mon année de première. D'ailleurs... ils ne vont pas geler, tes rosiers ? On est quand même fin octobre...

    – Hahaha, non, ne t'en fais pas. Ça leur permettra de fleurir courant janvier, février. Si tu veux bien m'aider encore un peu...

    – Bien sûr ! Je fais quoi ?

    Le jeune homme s'amusa d'un tel enthousiasme et quitta son tablier, qu'il vint enfiler à la jeune femme. Là, il lui expliqua qu'il allait creuser des trous et mettre un peu de terreau au fond de ceux-ci. Il lui suffirait de retirer les pots dans lesquels étaient plantés les rosiers pour les remettre en terre. L'exercice ne leur prit finalement que peu de temps, aussi, Jade en profita pour mettre un peu d'ordre dans le club, non sans remercier sa précieuse collaboratrice.

    – Tu vas t'inscrire au club ?

    – Non, merci, répondit-elle avec un sourire contrit. Je garde mon temps libre pour répéter. Mais si j'y ai droit, je serai ravie de venir pendant les récrés pour m'occuper un peu des plantes.

    Jade fit non de la tête et déclara :

    – Je ne vois pas pourquoi la direction s'y opposerait. Après tout, des élèves viennent bien cueillir des fleurs quand ça leur chante.

    – C'est noté !

    En un rien de temps, le club fut rangé et les quelques fleurs présentes binées. C'est alors que retentit une sonnerie que la jeune femme identifia comme le début des cours et s'en étonna :

    – Déjà ?

    – Le temps passe vite, quand on s'amuse. Va... Je ne veux pas te retarder. Je parlerai de toi à la directrice. Merci encore, pour l'aide.

    En réponse, Séraphina lui fit une signe de tête et après lui avoir rendu son tablier, elle courut jusqu'à son casier.

    Alors qu'elle organisait ses affaires pour l'après-midi, elle sursauta lorsqu'elle sentit deux bras venir l'enlacer étroitement. Bien vite, l'odeur de son ami, ainsi que sa tête qui apparue par-dessus son épaule apaisèrent les puissants battements de son cœur. Tranquillisée, elle vint lui caresser les cheveux en signe d'apaisement. Du coin de l’œil, elle avait pu voir combien il semblait triste et comprit immédiatement de quoi il en retournait.

    – Allons, Lysou... C'est mon premier jour, c'est tout nouveau pour nous deux. C'est normal que tu oublies, surtout quand tes amis sont là.

    L'étreinte se fit plus forte encore, tandis qu'il soupirait :

    – Non, c'est même pire ! Je te fais le serment que ça ne se produira plus.

    Touchée, elle lui demanda de la laisser l'étreindre à son tour. Requête à laquelle il accéda. C'est alors que quelques éclats de rire retentirent, un peu plus loin dans le couloir. Intriguée, la blonde s'approcha et vit avec stupeur son visage placardé un peu partout. La photo avait été griffonnée pour lui ajouter des cornes de diable, des moustaches et autres accessoires.

    Tandis que quelques élèves l'observaient, parfois en chuchotant entre eux, elle s'approcha de l'une d'entre elle en souriant. Icarus avait déjà été victime de ce genre de farce, lorsqu'il était lycéen et leur avait transmit une technique imparable pour que l'affaire meure dans l’œuf. Elle se tourna vers l'assemblée d'élèves et leur adressa un sourire radieux tout en échappant un rire.

    – C'est pas mal, pas mal du tout... Vous auriez un stylo ?

    Étonnés, quelques uns fouillèrent dans leur sac. Enfin, un jeune homme lui tendit un feutre qu'elle saisit en le remerciant. Là, elle se tourna vers son portrait arborant un bandeau pirate et entreprit de « l'arranger ». Selon les conseils d'Icarus, il fallait rire avec les auteurs de la farce. Ainsi, plutôt que de devenir sujet aux moqueries, un grand nombre se souviendrait davantage de ce geste et étoufferait rapidement l'affaire.

    Son œuvre achevée, elle s'en écarta pour la laisser découvrir aux autres. Elle avait ajouté des dents manquantes au portrait, ainsi qu'un strabisme dans de gros yeux caricaturaux, un bouc naissant et pour finir : quelques mouches volant ici et là. Après avoir rendu son feutre à son propriétaire, la blonde sourit aux personnes encore présentes et annonça d'une voix assurée :

    – Là, on passe déjà à un niveau au-dessus. Bon... Ceci dit...

    Séraphina retrouva un air plus affligé et vint décroché sa photo, qu'elle reconnue comme étant celle du trombinoscope. Le regard qu'elle posa sur le groupe n'était plus celui de la scène, qu'elle utilisait pour se donner du courage, mais le témoignage que l'acte l'avait touchée.

    – Libre à vous de faire pire que moi. Ou alors... Vous pouvez aussi m'aider et décrocher tout ça. Ça peut paraître drôle, mais imaginez-vous à ma place : je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit pour mériter ça.

    Ramenés à la raison, nombre d'entre eux lui vinrent en aide et décrochèrent les nombreuses photocopies. Parmi eux se trouvaient Nathaniel, Kim, Violette, Lysandre et même Castiel, qui eux, n'avaient pas attendu sa demande pour s'exécuter.

    Nathaniel demanda à chacun de les lui transmettre, afin d'aller porter le tout à la directrice, de sorte à ce que des sanctions soient prises à l'encontre du ou des coupables. La blonde ne manqua pas de remercier chaleureusement ses camarades, puis retourna à son casier, laissé ouvert.

    Elle constata avec horreur la disparition de sa peluche. Bien qu'elle lui rappela son mystérieux inconnu et le mal fait, elle l'aimait toujours autant et ne voulait pas la perdre, même si elle désirait la lui rendre. Affolée, elle chercha sous chacune de ses affaires qui auraient pu la masquer à sa vue, puis tout autour de son casier : au cas où elle soit tombée.

    En la voyant si chamboulée, Lysandre la rejoignit, intrigué :

    – Séra... Qu'est-ce que tu as ?

    La blonde lui jeta un regard embué et couina :

    – J'ai perdu Démonito...

    – Démonito ! S'esclaffa une voix depuis le casier voisin.

    Castiel se révéla être le propriétaire du casier 666 et en extirpa la fameuse peluche. En la voyant, Séraphina bondit pour s'en saisir, avant même que le rockeur n'ait eut le temps de la mettre hors de portée : pour s'amuser. En la voyant l'étreindre, il sourit et releva la tête dans un geste qui se voulait moqueur :

    – Quand je dis que t'es une gamine... C'est quoi, cette peluche ?

    La blonde changea instantanément d'expression : son regard s'éteignit tandis qu'elle baissa la tête. Elle joua un instant avec les oreilles de sa peluche et la rangea dans son sac tout en soufflant :

    – La pire erreur de ma vie... Mais je l'aime quand même. Merci Castiel...

    Gêné, le rockeur croisa les bras et tenta tant bien que mal de masquer ses joues rougies. Il demanda d'un ton trop sec :

    – De quoi, encore ?

    Il ne put que s'empourprer définitivement face au regard qu'elle lui jeta.

    – De l'avoir mis en sécurité ! Quoi d'autre ?

    – T'imagines pas que j'ai juste voulu te le piquer ?

    Amusée, elle sourit tout en secouant la tête en signe de négation :

    – Tss... Méchant rouckmout. T'y tiens à te réputation de bad boy, non ?

    – Mais j'vais te bouffer !

    Elle n'eut pas le temps d'esquiver, que déjà, Castiel l'avait attrapée comme un peu plus tôt dans la journée et lui frictionnait le sommet du crâne en guise de punition. Hilare, elle appela Lysandre à l'aide.

    Le victorien, lui, observait une fois de plus l'échange avec un scepticisme et une inquiétude certaine. Ils furent interrompus par Kim, une jeune femme au carré plongeant noir à l'allure sportive, qui vint interroger la blonde, mains sur les hanches devant le duo :

    – Salut, moi c'est Kim. Dis moi... j't'ai pas vu à midi, pourtant Nathaniel affirme que t'es demi pensionnaire.

    Touchée, Séraphina lui offrit un sourire radieux et s'extirpa tant bien que mal de l'étreinte de Castiel, qui ne semblait pas vouloir lâcher sa victime.

    – Si, si. Mais je devais manger dehors. Et puis... bah au final, j'ai pas trop osé venir.

    Tout en mâchouillant son chewing-gum, elle répondit à son sourire par une moue amusée et lui tendit une pomme :

    – Ouais, c'est bien c'que j'me disais. J'ai pensé à toi et la prochaine fois, t'as qu'à v'nir à côté de moi. J'mords pas.

    Séraphina prit le fruit tout en se confondant en remerciements, appréciant grandement le geste. Comme réponse : son estomac émit un grognement sourd qui fit rire aux éclats la sportive. Tandis qu'elle entamait le fruit, la blonde suivit son aînée jusqu'à leur salle de cours. Toutes deux discutant rapidement de parcours, Ulrich ayant apprit à la jeune femme à pratiquer cette discipline.

    De son côté, Castiel toisa durement le victorien, qui soutint son regard accusateur :

    – C'est quoi cette histoire ?

    – Rien qui ne te regarde, claqua sèchement Lysandre.

    Agacé, Castiel croisa les bras sur sa poitrine et s'appuya contre leurs casiers. Il hésitait à lui parler de la mésaventure avec Ambre, pour finalement décider de ne pas le faire. La véritable sonnerie annonçant le début des cours retentit enfin, mettant momentanément fin à la « discussion » des garçons.

    Durant toute l'après-midi, Kim resta auprès de Séraphina, vite rejointe par Violette avec qui la jeune femme se découvrit des atomes crochus. Les gargouillis incessants de Séraphina les fit rire aux éclats, entraînant avec elles quelques autres élèves de la classe, qui la réprimandèrent pour la forme.

    Une fois la fin des cours venue, alors qu'elles venaient de passer le portail, Kim interpella Séraphina :

    – Hey p'tite Séra, ça ira pour rentrer ?

    En guise de réponse, la blonde lui fit un sourire de chat et acquiesça :

    – T'inquiètes pas maman Kim ! À demain, fit-elle d'une voix chantante.

    Alors qu'elle s'apprêtait à se mettre en chemin, une main vint saisir la sienne. S'attendant à ce que cela soit Lysandre, elle joua un instant avec et entreprit de tout de même avancer. Le rire qui lui répondit était cependant celui de Leigh.

    Surprise, elle apprécia le geste et tourna sur lui un regard ému. Avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, elle l'enlaça et plaça sa tête au creux de son cou. Elle avait eut besoin d'une présence aînée toute la journée et de tous ses amis présents en ville, Leigh était sans doute le plus doux. Également touché, il resserra ses bras autour de son corps et déposa sa tête sur la sienne, un sourire doucereux aux lèvres.

    Cet échange ne fut pourtant pas du goût de deux paires d'yeux se trouvant non loin de là. Toutefois, à cause de la foule, ces personnes n'osèrent rien tenter.

    Après quelques instants, Leigh rompit l'étreinte pour présenter à la blonde l'argent qu'elle lui avait laissé pour régler le pyjama. Il afficha un air qui se voulait courroucé et les lui brandit sous le nez :

    – C'est quoi ça ?!

    Séraphina répondit avec tant de conviction, qu'elle fit un grand mouvement de tête affirmatif :

    – Des sous !

    Décontenancé, le brun laissa ses bras tomber le long du corps et dut attendre d'arrêter de rire pour reprendre :

    – Non, mais... Je sais que c'est des sous. Mais c'est exactement la somme de ton pyjama !

    À nouveau, la blonde usa de son sourire de chat et balança son corps tant l'amusement qu'elle ressentait était grand. Elle lui offrit enfin un sourire radieux tout en lui caressant le bras :

    – C'est trop rigolo quand tu souris comme ça, Leigh !

    Le jeune homme dut se passer une main sur le visage pour essayer de recouvrer son calme ainsi qu'un air neutre. L'envie d'exploser de rire étant trop forte.

    – Ne détourne pas le sujet... S'il te plaît... Hahaha !

    Alors qu'il cédait, la jeune femme sortit son téléphone et y chercha la capture d'une conversation avec Oscar. Elle l'agrandit au passage désiré et le lui tendit :

    – Tu sais qu'il fait des études en marketing... Oscar a fait le calcul, la fois où tu nous as offert nos tenues de scène. Si tu offres une tenue par mois au prix moyen du pyjama, alors d'ici trois ans tu auras offert l'équivalent du prix de ta boutique il y a six mois ! On préfère très largement que tu investisses pour développer ton activité, alors voilà. T'as pas le droit de me gronder !

    Leigh apprécia grandement l'intérêt que portait ses amis à ses intérêts personnels. Il souffla du nez et lui caressa la joue.

    – Sauf que vous aviez payé le tissu. Séra... Je n'offre pas une tenue tous les mois, rassure-toi. En revanche, considère ça comme un cadeau de bienvenue.

    Il sourit plus encore en la voyant opiner du chef, et poursuivit :

    – Bon... Ensuite : j'ai vu avec les autres pour que l'un d'entre nous te fasse faire un bon stock de courses. Histoire que tu ne sois pas obligée de faire des navettes pour des produits encombrants. Donc ce soir, c'est moi qui t’emmène.

    Séraphina écarquilla les yeux et le fixa avec malice :

    – T'es sûr ? Je suis in-fer-nale dans un magasin. Je monte sur le chariot pour rouler avec, je passe des années au rayon des jeux et...

    – Rien ne me fera changer d'avis, s'amusa le brun.

    – Quand partons-nous ? S'enquit Lysandre.

    Le jeune homme avait rejoint le duo et toisait durement son frère, qui ne parut pas si heureux que cela de voir son cadet se joindre à eux.

     

    Tous trois firent une halte dans un snack avant de partir pour le centre commercial. Bien que l'exercice amusa les deux frères, une tension palpable régna durent toute la durée de leurs courses. Elle fut renforcée lorsque de façon anodine, Leigh apprit que Lysandre avait oublié la blonde à cause de Rosalya.

    Le soir venu, Séraphina passa de longues heures à discuter avec ses amis de leur toute nouvelle vie. « Par mesure de sécurité » Oscar demanda à la blonde le numéro du rockeur. Toutefois, par respect pour lui, elle ne le transmit pas.

     

    Ce n'est que tard dans la nuit, qu'elle lui expédia un unique sms : « Merci pour aujourd'hui. Fais de beaux rêves ». Bien qu'il n'y répondit pas, Castiel s'endormit avec un fin sourire, Démon ronflant à son oreille.


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  • Avant toute chose: coucou les filles!

    Je passe ici plutôt que via mp parce que vous seriez un p'tit peu trop à contacter et que le copier coller ne m'enchante pas masse.

    Alors voilà:

    D'une part... Je tiens à vous remercier pour vos retours (surtout Piri ♥ merci d'avoir commenté a même le blog) et je suis incroyablement heureuse de voir que beaucoup préfèrent ma version xD ça me touche énormément. Mais surtout: j'aime que cette fic vous plaise.

    Le prochain chapitre met un peu de temps. Vous aurez fini par apprendre que les persos n'acceptent pas toujours de m'obéir et là, c'est Castoche qui fait des siennes.

    J'en viens finalement au sujet de l'annonce: la fic pourrait bien être encore plus longue à sortir. En effet, je dois (du moins j'en ai une envie folle) me concentrer sur mon bouquin à sortir et lorsque ce sera fait...

    ...

    ...

    Eh bien je me lancerai sur mon projet de otome papier!

    Nombre d'entres vous le savent: le projet est déjà bien rodé, mais je n'ai jamais pris le temps nécessaire pour tout remettre au propre. Tout est encore dans un énorme classeur doré que j'avais décoré il y a 14 ans de ça xD

    Je vous mettrai régulièrement des petits schémas de l'avancement du projet et pour celles que ça intéresse, le bouquin subira le même sort.

     

    Pour vous remercier de votre gentillesse, votre bienveillance et de l'intérêt que vous accordez à la fic comme à mes projets (et à moi pour beaucoup) je mettrai prochainement en ligne un énooorme one shot réécrit (non parce qu'à l'époque ça piquait un peu) de l'origine de la fic actuelle. Considérez ça comme l'épisode 0.

    Vous étiez trop nombreuses à le réclamer xD


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  • Au beau milieu de la nuit, la blonde fut éveillée par la sonnerie de son téléphone. Lorsqu'elle décrocha, seul un ronflement tonitruant lui répondit. Hilare, elle s'assura que son ami se portait bien et n'entendant rien d'autre que son « souffle » régulier, elle raccrocha.

    Il était fréquent que Koga appuie malencontreusement sur le bouton de rappel, lorsqu'il dormait. Depuis quelques années à présent, il avait pris l'habitude de s'endormir en tenant son téléphone, aussi la chose était-elle monnaie courante.

    Avisant l'heure à son réveil, elle vit qu'il ne lui restait qu'une heure tout au plus avant qu'il ne sonne. Aussi, elle décida que pour ce matin, elle irait au parc avant de se rendre au lycée. Elle enfila une robe semblable à celle de la veille, vérifia son sac et se mit en chemin.

    Au dehors, le jour se levait tout juste sur la ville tandis que l'air frais achevait de l'éveiller. Les rues calmes qu'elle avait redoutées lui firent finalement le plus grand bien. À l'approche du parc, elle eut la surprise de reconnaître une silhouette au loin. D'abord hésitante, elle l'appela d'une voix mal assurée :

    – Castiel... ?

    Immédiatement, elle vit le rockeur se retourner et Démon tirer sur sa laisse. Plus heureuse qu'elle ne l'aurait imaginé, elle courut à leur rencontre et abreuva le beauceron de caresses. Castiel s'en amusa et vint à son tour caresser son chien.

    – Décidément, c'est l'amour fou vous deux. Qu'est-ce que tu fais si tôt dehors ?

    Il lui rendit son sourire, tandis qu'elle se tint les mains dans le dos tout en se balançant nerveusement. Elle même ignorait quelle était la raison de cette envie soudaine.

    – À vrai dire je sais pas trop. Un ami m'a réveillée sans le vouloir et l'autre fois, j'ai à peine pu voir le parc. Et toi ? Tu le promènes tous les jours aussi tôt ?

    Il acquiesça et lui fit signe de le suivre. Une fois à l'intérieur du parc et le portail fermé, il laissa Démon courir à loisir.

    – J'habite en appartement et j'ai beau lui avoir aménagé le balcon... Donc voilà. Tous les matins avant les cours et tous les soirs après, je viens ici le faire se dépenser un peu.

    La blonde croisa les bras et prit un air soucieux qui interpella le rockeur.

    – Hey, il n'est pas malheureux.

    Vexée, elle darda sur lui un regard provocateur :

    – Mais j'ai pas dit l'inverse ! Ça se voit qu'il est heureux... Non... Je me disais juste un truc.

    Tandis qu'ils marchaient, elle mûrit son choix : il lui avait montré qu'il était suffisamment digne de confiance. Toutefois, elle ne le connaissait que depuis l'avant-veille, mais il s'agissait également du meilleur ami de Lysandre, ce qui renforçait sa bonne impression.

    Alors que Démon s'apprêtait à lui foncer une fois de plus dessus, elle eut la surprise de le voir l'attirer derrière lui et réceptionner le molosse, hilare. Étrangement, cela la décida :

    – Venez à la maison tout à l'heure, si vous voulez. J'habite en villa, j'ai un peu de terrain où il pourra faire ce qu'il veut la journée. En plus, je crois qu'on habite dans la même direction.

    Touché par la proposition, Castiel hésita un long moment. Il craignait que cette invitation ne dérive en un prétexte pour le retenir après les cours ou en week-end. Toutefois, il avait foi en la jeune femme, aussi, il leva la tête au ciel le temps de mûrir son choix.

    Pendant ce temps, la blonde s'en éloigna pour jouer avec Démon. Elle avait repéré un bâton qu'elle vint agiter devant le chien qui remua furieusement la queue. Elle fit quelques lancés et au bout d'un moment, Démon ne daigna plus lui rendre son jouet.

    Amusé de les voir se poursuivre, Castiel décida qu'un essai ne l'engageait à rien.

    – Séra ! Écoutes... C'est sympa. Je veux bien essayer.

    La blonde cessa sa course et acquiesça à son tour, un sourire aux lèvres. C'était sans compter sur Démon qui se précipita sur elle, la renversant presque. Après l'avoir raillée, Castiel vint reprendre sa terreur noire en laisse et suivit la jeune femme.

    En chemin, ils discutèrent de leur passion commune pour la guitare électrique. Tous deux avaient appris très tôt : Castiel parce qu'il appréciait déjà grandement un groupe, tandis que Séraphina, elle, avait abandonné la harpe en entendant jouer Oscar.

     

    Parvenus à la villa, Castiel émit un sifflement appréciateur face au terrain dont pouvait disposer son ami. Une fois le portillon fermé, il le détacha et s'étonna de le voir coller la truffe à terre pour s'y goinfrer d'il ne savait quoi.

    Séraphina grimaça et vint lui relever la tête... tout du moins, elle essaya.

    – C'est des croûtons qu'on a jeté dimanche sur Ludwig... Il peut ?

    Après quelques secondes de stupeur, il explosa littéralement de rire et tenta tant bien que mal de lui dire qu'il n'y avait pas de problème. Il imaginait la scène d'un homme bombardé par des croûtons et exigea qu'elle lui raconte la chose.

    C'est ce qu'elle fit, tout en l'invitant à l'intérieur. Pendant qu'elle leur préparait à tous les trois un petit déjeuner, elle raconta leur week-end dans les grandes lignes, à un Castiel bien attentif.

    – Ça gênera pas ta famille que Démon reste ici ?

    Il se mordit la lèvre en voyant son regard s'assombrir. Elle leva un regard penaud sur lui et lui expliqua brièvement le décès de ses parents et son émancipation. Touché, il la rejoignit derrière le comptoir et l'attira à lui. Là, il maintint quelques instants sa tête contre son torse, puis lui laissa le loisir de reculer. C'est ce qu'elle fit, le feu aux joues.

    – Moi aussi j'suis émancipé.

    Lorsqu'il vit la subite inquiétude dans son regard, il leva une main en guise d'excuse et vint même lui caresser le sommet du crâne. Il lui adressa un sourire aimable :

    – Mes parents vont bien. Mon père est pilote de ligne et ma mère hôtesse. Du coup tu comprendras qu'ils ne sont pas souvent là.

    Il dut s'avouer que la voir aussi soulagée l'émut plus qu'il ne l'aurait cru.

    Ils se restaurèrent en abordant un sujet plus léger, à savoir : les répétitions ayant lieu au sous-sol du lycée. Castiel désirait non seulement la remercier de sa sollicitude pour Démon, mais souhaitait également jouer en sa compagnie. Il fut décidé qu'elle passerait le lendemain les voir répéter, afin de décider si elle se joindrait à eux ou non.

     

    Tandis qu'elle se rendait seule au lycée, Castiel ayant dû retourner chez lui afin d'y chercher son sac de cours, elle vit Lysandre qui avançait dans sa direction. Le victorien lui offrit un sourire contrit et lui ouvrit ses bras, dans lesquels elle vint se lover un instant.

    – Bonjour Lysou ! Tu venais me chercher ?

    Le jeune homme acquiesça en souriant avant de bailler.

    – Et j'ai presque réussi.

    – Héhé, moi j'dirais que t'y es arrivé.

    Il lui présenta son bras et tous deux reprirent leur route en direction du lycée.

    Une fois parvenus dans la cours, tous deux s'étonnèrent de voir Lynn approcher et la saluèrent de concert. La brune observa durant quelques secondes leurs bras liés, puis sourit à la blonde à qui elle tendit une main amicale :

    – Salut ! Moi, c'est Lynn. J'ai pas eu le temps de me présenter hier.

    Étonnée, Séraphina lui fit un signe de tête en guise de salue, avant de lui serrer la main.

    – Séraphina...

    Nullement soucieuse de la gêne évidente de son vis à vis, la brune se tourna ensuite vers Lysandre à qui elle sourit :

    – Je crois qu'on te cherche au fond du couloir.

    Face à son air soucieux, la blonde déposa sa main sur la sienne pour le rassurer :

    – Que veux-tu qu'il m'arrive ? Vas y Lysou. On se retrouve en cours.

    Après avoir plongé son regard dans le sien, il acquiesça à mi-mots.

    Une fois seules, Lynn offrit un sourire à Séraphina qui ne la rassura pas. Elle avait bien compris que la brune n'avait cherché qu'à éloigner Lysandre. Aussi se fit-elle un peu plus sèche :

    – Tu voulais me parler seule à seule ?

    Visiblement désarçonnée par une telle approche, Lynn baissa un instant la tête , puis elle se reprit :

    – Un peu, oui. Depuis combien de temps est-ce que tu connais Leigh ?

    Surprise par une telle demande, la blonde renversa la tête afin de faire le compte dans son esprit :

    – Eh bien... je dirais depuis au moins aussi longtemps que Lysou. Quatre ou cinq ans... ? Pourquoi est-ce que ça t'intéresse ?

    La brune croisa les bras sur sa poitrine et afficha une mine fermée.

    – Sa petite amie souffre beaucoup de ce que tu fais en ce moment. Tu ne t'en rends peut-être pas compte, mais tu l'empêches de le voir et...

    Ce discours fit froncer les sourcils à Séraphina. Lors d'un moment seuls, Leigh lui avait confié ne plus être en couple et n'avait pas pu lui donner plus de détails. Pourtant, il semblait souffrir plus de leur relation, que de leur rupture. Peu désireuse de se mêler de ce qui ne la regardait pas, elle congédia un peu trop rudement la brune :

    – Ni toi ni moi n'avons à nous mêler de tout ça. Je n'impose rien à personne et ne l'empêche pas du tout d'aller le trouver si elle a quelque chose à lui dire.

    Tout en disant cela, elle lui adressa un signe de main et se dirigea d'un bon pas vers son casier. Lynn, quant à elle, l'observa d'un œil noir : elle voyait d'un très mauvais œil l'entente presque trop parfaite de la blonde avec les garçons de la classe, ainsi qu'avec le vendeur de la boutique de vêtement. Elle avait tenté de se renseigner sur elle, mais n'avait rien obtenu de plus que ce que tous savaient déjà : elle venait d'emménager et était issue d'une famille fortunée.

    C'est alors que Castiel fit son arrivée dans la cour. Lynn s'en rapprocha et voulut engager la conversation !

    – Alors ? Prêt pour la soirée d'Halloween ?

    Le rockeur l'observa, surpris. Puis il afficha un sourire sadique et lâcha :

    – Ne me dis pas que tu viens avec ce costume ? Tu vas terrifier tout le monde !

    Vexée, la brune le fusilla du regard :

    – Haha, très drôle !

    Déçu de voir si peu de répartie, il lui fit un signe de main tandis que la sonnerie annonçant le début des cours retentissait :

    – Te vexe pas planche à pain.

     

    Tandis que tous se massaient devant le laboratoire en attendant l'arrivée de leur professeur, Séraphina en profita pour se rapprocher d'Ambre, l'air penaud. Son aînée l'observa avec appréhension, n'ayant que trop retenu la mise en garde de Castiel la veille. Elle se détendit finalement, en comprenant qu'elle ne s'en servirait sans doute jamais contre elle.

    – Ambre... Pour hier... je voulais m'excuser. Je suis un peu claustrophobe, alors... quand vous m'avez bloquée, j'étais pas bien, mentit-elle.

    Elle ne lui avouerait jamais la véritable raison de sa peur panique, mais elle voulait « clarifier » les choses au plus vite, présentant que cela pourrait lui être salutaire par la suite. De son côté, Ambre allait répliquer d'un ton cinglant, lorsqu'elle se souvint qu'elle voulait s'en rapprocher :

    – Allez, c'est rien.

    Alors qu'elle allait continuer, elle reçut un sourire de la part de Séraphina, qui fila rejoindre Lysandre qui la surveillait de loin.

    Enfin, leur professeur fit son apparition et décida de revoir le plan de classe, afin d'y intégrer Séraphina. Pour son plus grand malheur, celle-ci fut placée à côté de Rosalya.

    Si tout d'abord, la blanche ne lui prêta pas attention et se contenta de suivre le cours, lorsqu'il lui fallut partager son livre, tout dérapa. Elle en profita pour lui glisser quelques mots, tout d'abord anodins. Puis rapidement...

    – Vous avez fait quoi hier, avec MON Leigh ?

    Séraphina soupira et chuchota :

    – Rien, juste des courses. S'il te plaît... on doit faire cet exercice, là.

    Vexée, Rosalya se redressa fièrement :

    – Humpf... Il est bien trop gentil. J'ose espérer que maintenant c'est bon, tu vas enfin le lâcher. Il a mieux à faire que du babysitting.

    La blonde roula des yeux et décida de copier les énoncés, de sorte à pouvoir travailler en paix. C'était sans compter sur la ténacité de Rosalya, qui crut bon de lui montrer sa bague, un large sourire s'étirant sur son visage.

    – On est quasi fiancés. Je crois que c'est juste l'âge qui le gêne un peu pour le...

    – S'il te plaît, Rosalya... chuchota-t-elle. Pour l'instant je me contrefout que vous ayez été ensemble ou pas, j'aimerais juste pouvoir suivre en cours.

    – On l'est toujours ! Et ça n'est pas quelqu'un d'aussi insignifiant que toi qui va...

    Exaspérée, Séraphina laissa sa tête retomber dans ses bras. Elle hésitait quant à la marche à suivre. Tout d'abord, elle repoussa la main de la blanche et acheva de copier les exercices demandés. Puis, elle lui tourna le dos et tenta tant bien que mal de réaliser les différents schémas demandés.

    De son côté, Rosalya continuait de marmonner comme pour elle-même, mais suffisamment fort pour que sa voisine en profite :

    – Dire qu'avant son arrivée il ne s'occupait que de moi. Oh Lysou-chou m'a bien expliqué que ce sont ses proches qui l'ont demandé et qu'ils se sentent obligés de le faire. Mais tout de même, c'est vraiment abuser et il faut pas être gêné.

    Lorsqu'elle aperçu la blonde enfiler discrètement un écouteur, elle comprit que sa manœuvre ne porterait pas ses fruits. Bien décidée à ne lui laisser aucun répit, Rosalya lui fit passer quelques mots sur lesquels elle se confiait parfois ou se contentait de lui rappeler combien elle était une mauvaise personne. En l'entendant systématiquement les froisser, elle décida de lui secouer le bras jusqu'à ce qu'elle lui accorde son attention.

    S'en fut trop pour Séraphina, qui bondit de son siège et s'écria d'une voix rendue suraiguë :

    – Mais tu me laisses bosser ouais ?!

    Surpris, de nombreux élèves relevèrent la tête tandis que bon nombre pouffaient de rire. D'abord interdit, leur professeur s'empourpra de colère et s'exclama :

    – D'autres de vos camarades aimeraient justement travailler, mademoiselle Korinna. Nous n'avons encore jamais eu de tels problèmes avant votre arrivée !

    – Hey oh faut pas abuser ! Répondit machinalement Castiel. Si c'était sa faute, elle demanderait pas à pouvoir bosser.

    Loin d'être ramené à la raison par cette intervention, le professeur les menaça tous deux d'exclusion. Lassée, la blonde se rassit et la salle put retrouver son calme.

    Ainsi, elle endura les remontrances et confidences parfois gênantes de Rosalya durant toute l'heure restante. Lorsque la récréation sonna, elle se dirigea au bureau de leur professeur. Celui-ci ôta ses lunettes en la voyant approcher, et comprit enfin qu'il s'était peut-être fourvoyé. La blonde se tint les mains derrière le dos et souffla :

    – Monsieur... Pardon d'avoir perturbé la classe.

    Il lui sourit en retour et demanda d'une voix douce :

    – Votre voisine vous importune ?

    Rougie, la blonde hocha la tête, gênée.

    – Je peux à peine entendre ce que vous dites et j'ai beau lui demander... Enfin... voilà.

    Tout à ses réflexions, il se gratta le menton et avisa Castiel qui attendait non loin de la porte, bras croisés sur le torse.

    – Si je vous met à côté de monsieur Duclos, vous me promettez de ne pas trop discuter ?

    Il s'amusa de l'étonnement qu'il lut dans son regard et précisa :

    – Castiel. Je le laisse seul puisque d'ordinaire il est un peu revêche. Mais comme il vous a défendue et semble vous attendre, je veux bien croire qu'il fera une exception.

    Immédiatement, le visage de la blonde s'éclaira :

    – Oh ! Promis m'sieur ! Merci...

    – Allez, filez, s'amusa-t-il.

    Une fois sortie, Séraphina remarqua le rockeur et lui offrit un sourire radieux. Cependant, face à son sourire carnassier, elle crut bon de prendre ses jambes à son cou. En effet, le rockeur entreprit de lui courir après afin de lui ébouriffer les cheveux, en guise de punition.

    Au détour d'un couloir, Séraphina percuta Lysandre et, toujours hilare, se cacha derrière lui. Amusé, il lui sourit tout en l'interrogeant :

    – Qu'est-ce que tu as ?

    – C'est Castiel il veut m'bouffer !

    Le victorien fronça les sourcils et passa un bras derrière elle, afin d'essayer de l'attirer devant lui. Toutefois, la blonde s'accrochait tant et si bien, qu'il n'y parvint pas. Le rockeur en profita pour venir se saisir de la jeune femme et l'arracher à son protecteur. Là, il lui frictionna le crâne de son poing tout en riant. La blonde se raccrocha à son bras en essayant de s'y soustraire :

    – Aaaah mais pourquoi tu m'fais ça ? J'ai rien fait !

    Après une brève réflexion durant laquelle il cessa tout mouvement, Castiel haussa les épaules et reprit de plus belle :

    – J'sais pas. Bizutage.

    – Castiel, ça suffit, soupira Lysandre.

    D'une poigne ferme, il saisit le bras de son ami et « récupéra » la jeune femme qu'il tint tout contre lui. Celle-ci leur jeta des regards amusés à tour de rôle en se demandant ce qu'il allait advenir. Finalement, Lysandre leur demanda de reprendre un peu de sérieux et se tourna vers Séraphina, l'air contrit :

    – Rosalya ne devrait plus t'importuner. J'ai été lui parler. J'ai cru comprendre qu'elle t'avait ennuyée durant le cours ?

    En réponse, Séraphina baissa la tête et se raccrocha à son bras, le regard dans le vague.

    – Mouais... Je sais pas pourquoi, mais elle veut me faire comprendre que Leigh lui appartient et qu'elle a déjà fait tout plein de trucs avec... Moi j'trouve ça dégueux. J'ai pas envie de l'imaginer comme ça ! Et puis c'est perso...

    – Quand je dis qu'elle est louche, s'amusa Castiel. Mais maintenant tu pourras suivre et même me filer quelques réponses.

    Bien qu'il eut du mal à croire ce qu'il entendait, Lysandre ne put que se ranger du côté de la blonde qu'il n'avait encore jamais vu mentir. Après son intervention, il avait surveillé le duo et avait bien vu sur le visage de Séraphina qu'elle ne se sentait pas bien du tout à côté de la blanche. Rosalya, quant à elle, avait prétendu que la blonde n'avait fait que s'emporter sans raison apparente, après lui avoir parlé du grand intérêt que lui portait son frère. Dires qui lui avaient parus suspects : Séraphina n'étant pas du genre à se vanter de ce genre de choses qu'elle ne remarquait souvent pas.

    Afin de se changer les idées, tous trois se dirigèrent vers le sous-sol du lycée. Bien que cela l'avait d'abord étonné d'apprendre que Castiel avait aussi rapidement confié leur secret à la jeune femme, Lysandre avait rapidement reconnu la bonne idée.

    En le découvrant, la blonde parut être aux anges : la surface y était immense. Parfois jonchée de cartons et d'ancien matériel, elle représentait surtout une « zone d'exploration » masquée dans la pénombre. Elle appréciait ce genre de lieux et se promit d'y venir fréquemment. De plus, Lysandre lui montra combien l’acoustique y était bonne, en entonnant a cappella l'une de ses chansons en cours d'écriture :

    – Je dépose entre tes doigts, mon cœur en émoi, puisse-t-il reposer tout contre toi...

    Castiel l'observa en levant un sourcil, tandis que la blonde, elle, tournait sur lui un regard pétillant.

    – Oh ! Mais c'est génial ! En plus, celle-là je ne la connais pas.

    En la voyant trépigner, le victorien comprit qu'elle parlait non seulement de sa chanson, mais surtout de l'acoustique qui sans nul doute, lui donnait envie de donner à son tour de la voix. Amusé, il lui sourit et vint la rejoindre.

    – Je suis heureux que cela te plaise. Si tu le veux, ce soir nous pourrions faire une petite répétition.

    Il fut quelque peu déçu de la voir pincer les lèvres et secouer la tête en signe de négation.

    – Désolée. Ce soir, je répète avec les garçons. On voit pour s'organiser, c'est pas encore très facile. Demain après-midi j'ai un truc de prévu... Jeudi ?

    Ce fut au tour de Castiel de trouver à redire.

    – Jeudi n'oublie pas que c'est Halloween.

    Instantanément, la blonde lui adressa un trop large sourire et lui lança, les yeux pétillants de malice :

    – Bah quoi ? T'as peur des fantômes ?

    N'en croyant pas ses oreilles, Castiel se plaqua la main sur le visage et la laissa lentement retomber. Il ignorait si en cet instant, il l'adorait ou voulait la « bouffer ».

    – Non, mais toi... Tu sais que je vais être obligé de te punir, là ?

    Las de leur petit jeu, Lysandre se plaça entre les deux amis dont l'une riait déjà à gorge déployée, tandis que l'autre souriait tout en tendant ses mains dans sa direction.

    – J'oubliais la soirée. Séra... Accepterais-tu de m'y accompagner ? Un café organise une sorte de soirée karaoké costumée. Avant ça, il y aura un dîner spectacle.

    Sans même réfléchir, la blonde acquiesça avec joie et lui demanda en quoi il allait se costumer. De son côté, Castiel, peu désireux de participer à la conversation préféra allumer une cigarette en s'éloignant du duo.

    Après réflexion, Lysandre sourit en se souvenant du costume qu'il avait arboré un an plus tôt.

    – Tu te souviens du « costume » de calaveras ?

    La blonde opina du chef :

    – Mais tu vas pas avoir froid ? L'an dernier on a fait ça chez Bastien. Là... Oh ! Tu crois qu'ils viendront ?

    Comme pour la tempérer, Lysandre lui caressa la joue sans se départir de son fin sourire. Il lui souffla, comme une confidence :

    – Nous sommes moins... inséparables que vous.

    À ces mots, il vit le regard de son amie s'éteindre. Il s'y était attendu, aussi se contenta-t-il de lui donner une tape sur l'épaule. Tout comme Leigh, il espérait que ce lien trop envahissant finirait par ne plus interférer dans les relations de la jeune femme, qui se fermait en se souvenant que ses amis ne pourraient être présents. Comme si elle avait compris sa pensée, Séraphina le retint par la manche, alors qu'il allait s'en aller et lui offrit un faible sourire :

    – Tu viendras à la maison pour que je te maquille ?

    – Avec grand plaisir.

    De son côté, Castiel s'était confortablement installé sur quelques cartons et soufflait nonchalamment sa fumée. En le voyant faire, la blonde ne put se retenir. Elle vint se poster devant lui, poings sur les hanches et lui demanda :

    – Et toi ? Tu viens déguisé en dragon ?

    La surprise fut telle pour Castiel, qu'il en avala une bouffée et toussa à s'en fendre l'âme. Inquiète, elle vint lui tapoter dans le dos sans cesser de s'excuser. Lorsqu'une larme vint rouler sur la joue du rockeur, il s'étonna de la voir venir s'agenouiller devant lui pour la cueillir de son index replié. Amusé, il lui prit la main au creux de la sienne et plongea son regard dans le sien. Il sourit un peu plus lorsqu'il jura voir ses joues se colorer.

    – Donc on t'habille en princesse ? Que je puisse te tyranniser un peu ?

    Seul un sourire de chat lui répondit, alors qu'elle inclinait la tête.

    Lysandre qui les observait depuis les escaliers claironna :

    – Ça sonne !

    Surpris par son ton sec, les deux amis le rejoignirent sans mot dire. Ce n'est finalement qu'une fois près de leurs casiers, que la sonnerie retentit bel et bien.

     

    Les prochains cours se déroulèrent sans accrocs, Séraphina étant respectivement à côté de Nathaniel et de Kim, qui s'était prise d'affection pour la jeune femme. Celle-ci continua de la prendre sous son aile en l'invitant à manger à sa table lors de la pause de midi. En compagnie d'Iris et Violette, toutes les quatre discutaient avec animation de la fête de Halloween qui allait avoir lieux. Le sujet leur était venu alors qu'Iris déplorait de ne pas savoir en quoi se costumer.

    La discussion allait bon train, jusqu'à ce que...

    – T'as besoin qu'on t'emmène, toi ? S'enquit Kim à l'intention de Séraphina.

    Surprise, elle l'observa un instant avant de secouer la tête en signe de négation. Lysandre avait fini par lui glisser que la fête se déroulerait au petit café proche du parc.

    – Non merci, c'est gentil. C'est vraiment pas loin.

    Iris et Kim échangèrent un regard étonné, puis la sportive crut bon d'insister :

    – T'es sûre ? Il m'a semblé que t'arrivais à pieds et Anteros c'est pas non plus la porte à côté.

    À ce nom, la blonde frissonna. Son regard se perdit au loin et c'est à peine si elle osa demander :

    – Chez Gontran ?

    Iris tenta timidement :

    – Je connais pas. C'est au café de l'envol. Ils...

    Instantanément, la blonde perdit toute sa bonne humeur et bredouilla une excuse à peine plausible aux filles, tout en ramassant son plateau :

    – Désolée ! Je viens de me souvenir que je ne pourrais pas venir. C'est vraiment dommage, mais bon ! Amusez-vous bien et embrassez le gérant de ma part, il est très gentil !

    Après avoir déposé son plateau, elle balaya la cantine du regard et n'y vit Lysandre nulle part. C'est alors que son regard quelque peu perdu et embué croisa celui de Castiel. Un frisson indescriptible la parcourut alors. Gênée, elle s'en détourna, les joues rougies et sortit.

     

    Cela faisait quelques minutes qu'elle se tenait prostrée entre deux cartons, les genoux ramenés contre la poitrine et le visage enfoui entre. Elle ne cessait de ressasser sa dernière soirée passée chez Gontran, en compagnie de tous ses amis.

    Comme une litanie, elle ne cessait de revoir l'instant où son inconnu embrassait presque rageusement celle qui l'avait agressée. Bien que tout cela se soit passé un peu plus d'un an plus tôt, la douleur était toujours aussi cuisante pour la jeune femme. En apprenant le lieu où l'envoyait son grand-père, elle avait été partagée entre le soulagement d'y retrouver des amis, et la crainte de recroiser le jeune homme.

     

    Elle en était là de ses pensées, lorsqu'elle sentit une main se poser sur sa tête. En la relevant, elle vit Castiel qui lui faisait face. Il se tenait dans la même posture qu'elle et l'observait, intrigué et visiblement inquiet. Quand il constata ses larmes muettes, son expression se mua en une moue attendrie. Il fit basculer sa main jusqu'à sa joue et balaya une dernière larme de son pouce. Avec un fin sourire, il en profita pour lui caresser la joue, tandis qu'elle emprisonnait sa main dans les siennes et basculait sa tête pour profiter un peu plus de ce contact.

    Mettant à profit ses yeux clos, il l'observa quelques instants sans mot dire. Comme si parler romprait le fragile équilibre de cet instant. Cependant, il y fut bien contraint, lorsqu'elle souffla :

    – Pourquoi est-ce que tu es toujours là quand j'ai besoin de toi ? Alors qu'on ne se connaît que depuis même pas trois jours...

    Instantanément, son cœur tambourina plus fort dans sa poitrine. Il s'empourpra et bafouilla :

    – Besoin... de moi ?

    Réalisant enfin ce qu'elle avait dit sans même s'en rendre compte, Séraphina adopta la même teinte et à son tour, bredouilla :

    – Quand j'en ai besoin !

    Bon prince, le rockeur accepta de ne pas insister et se contenta de lui sourire d'un air nonchalant, les joues pourtant toujours colorées :

    – J'sais pas. Hier, je partais sur le toit et j'ai trouvé louche de voir les trois furies attroupées en salle de science. Ce matin... réflexe. Et là j'ai vu ton air de chien battu.

    Mi-amusée mi-attendrie, la blonde murmura en plongeant son regard dans le sien :

    – Tu t'es inquiété ?

    Sentant qu'il ne maîtrisait plus la situation, Castiel détourna le regard et prit un air qui se voulait sévère. D'une voix rendue rauque, il pesta :

    – Dis pas n'importe quoi.

    Cela suffit à Séraphina qui souffla du nez. Elle lâcha sa main et bascula sur ses genoux. Là, elle s'approcha timidement du rockeur et déposa un baiser sonore sur sa joue.

    – Merci Cassy... souffla-t-elle d'une voix tendre.

    Le surnom et le geste surprirent tant Castiel qu'il en écarquilla les yeux et vint se toucher la joue. Toutefois, la blonde ne put voir sa réaction. Elle s'était déjà relevée, époussetée et se dirigeait vers l'escalier, peu désireuse de s'épancher sur son ami dont elle devinait l'effort d'être ainsi venu la réconforter.

    Castiel, lui, ramena un peu plus ses jambes contre lui et enfouit sa tête entre ses bras, mortifié. Une fois certain d'être seul, il souffla d'un ton douloureux :

    – T'es encore pire qu'avant... Séra...

     

    À peine parvenue dans le couloir, Séraphina était tombée nez à nez avec un Lysandre rougi par l'effort. Il lui souffla qu'il l'avait cherchée, lorsque Kim était venue le trouver, inquiète de la réaction de la jeune femme. Celle-ci lui offrit un sourire contrit et vint arranger sa mèche de cheveux du bout des doigts.

    – Tu m'as inquiété !

    – Excuse-moi Lysou. C'est rien de grave... C'est juste que... la fête... c'est chez Gontran.

    Tout d'abord, le victorien ne vit pas où elle voulait en venir. Puis, il se souvint de leur soirée à consoler la jeune femme, en compagnie de Leigh et Koga. Ce dernier leur avait gentiment demandé de les recevoir chez eux, les Chained n'ayant pu trouver d'hôtel pouvant tous les accueillir. Son but avait été de l'éloigner d'Oscar afin de l'amener à parler plus librement : ce qu'elle avait fait.

    Elle leur avait alors confié sa découverte horrifiée de son inconnu avec une autre. Peiné, il posa sur elle un regard doux emprunt de tristesse :

    – Tu ne veux pas y retourner, même en ma compagnie ? Souffla-t-il.

    Pour toute réponse, il la vit baisser la tête, les mains liées. Il ignorait tout le dilemme qui habitait la jeune femme. Lui, cette soirée il n'y tenait que peu. Tout au plus représentait-elle un prétexte pour sortir en sa compagnie. Il lui vint alors une idée :

    – Viens à la maison. On s'improvisera une soirée.

    L'air subitement radieux de la jeune femme le rassura et lui arracha même un sourire. Lorsque Kim était venue le trouver, il s'en était voulu de ne pas l'avoir attendue au réfectoire. Mais il était sorti téléphoner à Leigh, car lui-même avait échoué à tempérer Rosalya. Il avait surpris une conversation entre la blanche et Lynn qui lui avait fortement déplu.

    Enfin, la sonnerie annonçant le début des cours retentit. Leur dernier professeur étant absent, ils n'auraient que cette heure-ci à suivre. Tandis qu'ils se dirigeaient vers leur salle, la blonde interrogea Lysandre :

    – On a quoi ?

    – Orientation.

    Séraphina arqua un sourcil, étonnée :

    – Ça sert à quoi ?

    En réponse, le victorien émit un rire discret qu'il masqua derrière sa main. Nathaniel qui avait aussi entendu, se pencha à son oreille :

    – Au risque de te surprendre... à rien. On nous dit tout ce qu'on sait déjà. Prépare de quoi t'occuper. Mais écoute tout de même... Parfois on a une bride d'info utile.

    Amusée, la blonde le remercia et sourit à Lysandre :

    – On se met à côté ? On fera un morpion !

    – En temps normal, je suis à côté de Castiel. Mais cela ne devrait pas le déranger.

    À l'évocation du rockeur, Séraphina le chercha du regard et s'inquiéta de son absence.

    – Lysou ! Castiel était au sous-sol, il n'a pas dû entendre la sonnerie. J'file vite !

    Alors qu'elle s'élançait dans le couloir, elle fut fermement retenue par Lysandre, qui l'emprisonna contre son torse. Le victorien appréciait de moins en moins ce lien tissé trop vite, dont il craignait l'issue. Il grimaça et profita que la blonde ne puisse le voir pour froncer un peu plus les sourcils. Il déclara d'une voix rude :

    – Non. J'y vais.

    Sans penser à mal, la blonde lança d'une voix enfantine :

    – Mais Lysou... tu pourrais oublier et...

    Le victorien claqua d'une voix rude :

    – Je prends le risque.

    Enfin, il la lâcha et se dirigea d'un bon pas vers les escaliers. Penaude, la blonde retourna dans la file qui s'était formée devant la salle de classe.

     

    Lorsqu'il arriva en bas de ceux-ci, il vit Castiel qui sortait tout juste du sous-sol et se dirigeait vers son casier pour y récupérer ses affaires. D'un ton qu'il ne voulut pas si cassant, il demanda :

    – Qu'est-ce que vous faisiez là-dedans ?!

    Nullement surpris, Castiel lui répondit sans même lui adresser un regard :

    – Rien qui ne te regarde.

    Le victorien soupira avant de se reprendre. D'une voix plus douce, il expliqua à son ami :

    – C'est normal que je m'inquiète. Séra est une amie de longue date et je ne veux pas qu'il puisse lui arriver quoi que ce soit ou... Bref... Je pense que tu me comprends.

    Un sourire incrédule s'imposa au rockeur qui eut peine à le masquer. Il repensait aux fois qu'il avait évoquées un peu plus tôt à la jeune femme, et où elle aurait sans doute eut besoin de Lysandre. Cependant, il n'était pas prêt à les lui partager. Préférant largement la défendre par lui-même. Vexé, ce dernier fronça les sourcils et demanda sèchement :

    – Pourquoi est-ce que ça a l'air de t'amuser ?

    – Oh pour rien...

    Soudain, le victorien se rappela du geste de la blonde, quelques heures plus tôt avec Ambre. Il s'étonna qu'elle ait prétendu être claustrophobe, car elle ne l'était pas du tout et affectionnait même les endroits de ce genre.

    – Il s'est passé quelque chose, avec Ambre ?

    Castiel referma son casier et s'appuya contre en croisant les bras :

    – Pourquoi est-ce que je le saurais ?

    Loin d'être dupe, le victorien comprit que son ami en savait plus qu'il ne voulait le lui dire. Aussi le lui fit-il savoir. Résigné, Castiel lui évoqua l'incident ainsi que l'état dans lequel il l'avait retrouvée au sous-sol, en se gardant bien de lui donner tous les détails.

    – Je l'ai retrouvée prostrée au sous-sol, les larmes aux yeux. Elle m'a pas dit ce qui n'allait pas. Entre Ambre, ça et ta pote qui l'a gonflée ce matin... Ça m'étonnerait même pas qu'elle négocie pour aller ailleurs avec son grand-père.

    En réalisant que Castiel savait pour la situation familiale de la blonde, il ne fit que s'étonner plus encore. Touché, Lysandre mûrit longuement son choix et ses paroles. Enfin, il jugea bon de mettre en garde le rockeur :

    – Tu n'as pas pu le savoir, tu es parti avant que cela n'arrive au café de l'envol. Mais... Elle a été très affectée par quelque chose. Elle ne veut plus y retourner et je crois même que pour la toute première fois, on l'a vu détester quelqu'un. Si aujourd'hui cette personne venait à se manifester, je suis presque sûr qu'elle refuserait même de lui parler. Elle lui jetterait ses présents au visage et s'en irait sans autre forme de jugement.

    À ces mots, Castiel revit la blonde poser un regard triste sur la peluche et lui avouer qu'elle lui rappelait la « pire erreur de sa vie ». Ne voulant pas montrer son trouble au victorien, il serra le poing et tonna d'une voix forte :

    – Qu'est-ce que ça peut bien me foutre ? Moi, j'en ai juste marre de gérer une gamine qui passe la moitié de son temps à chialer !

    – Soit... je ne pleurerai plus.

    Tous deux sursautèrent et se tournèrent vers le sommet de l'escalier où la blonde se tenait. Alors que le cours avait commencé, elle avait été envoyée en quête de ses amis, à sa demande. Elle n'avait entendu que les paroles du rockeur et se tenait là, immobile. La tête baissée et les mains liées devant elle. Son cœur tambourinait douloureusement dans sa poitrine et tandis qu'elle sentait un sanglot perler, elle fit de son mieux pour maîtriser sa voix :

    – Venez en cours tous les deux... s'il vous plaît.

    Castiel la fixait, le souffle court et les joues rougies. Il savait qu'il venait de profondément blesser la jeune femme et s'en voulait déjà d'avoir trop parlé. La bouche sèche, il tenta de revenir en arrière :

    – Attends, Séra... C'est pas ce que...

    Elle ne lui laissa pas le loisir de s'expliquer et déjà, elle tournait les talons. La blonde profita de ce bref instant de répit pour relever le visage dans l'espoir de ravaler ses larmes. Elle s'était d'ores et déjà profondément attachée au rockeur et ses mots ne lui rappelèrent que trop ceux qu'elle avait entendu de la bouche d'Oscar. Bien qu'il se soit fait pardonner, elle ne supportait plus ce genre de paroles. Elle se savait plus enfantine que la moyenne, plus sensible aussi... Plus insouciante. Et tout cela lui pesait sur le cœur.

    Derrière elle, elle entendit un pas de course qu'elle identifia comme appartenant au victorien. Cependant, elle garda la tête basse jusqu'en salle de cours, où elle s'excusa d'avoir été aussi longue à ramener les deux amis. Elle se rassit ensuite aux côtés de Nathaniel, qui vit bien son trouble.

    Bien qu'il tenta de savoir quelle en était la raison, elle lui affirma que ça n'était rien et qu'il ne devait pas s'inquiéter. Comprenant qu'il n'en tirerait rien, il céda et se contenta de la distraire en lançant une partie de morpion.

     

    La sonnerie tant attendue par l'ensemble de la classe finit par retentir. En un rien de temps, tous furent dans la cour et nombre d'entre eux s'apprêtaient à rentrer chez eux. C'était le cas de Séraphina, qui fut rattrapée par Lysandre.

    Le victorien lui fit face, les joues délicatement colorées. Enfin, il lia leurs regards vairons, comme en quête de pardon :

    – Séra... Je...

    Il s'étonna de la recevoir au creux de ses bras. Aussi, il l'étreignit pleinement et déposa sa tête sur la sienne en affichant un large sourire.

    – Tu n'es pas fâchée ?

    – Fâchée de quoi, Lysou ? Écoutes...

    La blonde prit une grande inspiration et se blottit un peu plus dans les bras de son ami. Elle ne vit pas Castiel qui passait tout en leur jetant un regard sévère. Elle déclara alors, d'une voix mal assurée :

    – J'irai avec toi chez Gontran.

    Surpris, Lysandre l'écarta de ses bras en la tenant par les épaules et souffla, inquiet :

    – Tu es sûre ?

    Séraphina acquiesça d'un grand mouvement de tête et à son tour, plongea son regard dans le sien. Ainsi, il put lire toute sa détermination :

    – Il est temps que j'arrête d'être une gamine.

    Ne sachant comment réagir, le victorien déposa un tendre baiser sur le front de la jeune femme. À contrecœur, ils se séparèrent afin de rentrer chez eux.

     

    Lorsqu'elle passa le portail, la blonde eut la surprise d'y trouver Castiel qui l'attendait les bras croisés et la mine furieuse. Elle n'y prêta que peu d'attention et lui emboîta le pas.

    Après plusieurs minutes de marche, le rockeur n'y teint plus et pesta :

    – Mais dis quelque chose ! Je sais pas... Engueule-moi, râle, pleure !

    Étonnée, elle s'arrêta et le fixa d'un air interdit. Lorsqu'elle inclina la tête, Castiel poussa un profond soupir. Il aurait préféré qu'elle s'emporte et lui cri dessus qu'il n'était qu'un imbécile. Il avait entendu tout ce qu'elle avait dit à Lysandre et il s'en voulait terriblement. Au lieu de cela, elle se contenta de déposer une main sur son bras et lui offrit un sourire triste.

    – Non... Tu n'es pas le premier à me faire remarquer mon immaturité. Et j'en souffre. Alors... Merci. Merci de m'avoir supportée et de m'avoir fait bouger. Tu n'auras plus à t'occuper de moi. Il faut aussi que j'arrête d'avoir peur quand je suis seule avec une fille.

    Castiel serra les dents et détourna le regard, les poings serrés. Il connaissait l'origine de cette peur et craignait que par sa maladresse, elle puisse se mettre dans des situations dangereuses. Toutefois, il ignorait comment « gommer » son acte et ses conséquences.

    Peu désireux de lui parler ainsi en pleine rue, il lui saisit le poignet et l'attira jusqu'à chez elle. Durant tout le trajet, elle ne cessa de lui demander ce qu'il lui prenait. Lassé, il avait fini par lui dire qu'ils converseraient chez elle.

    Après de brèves retrouvailles avec Démon, ils constatèrent qu'il s'en était donné à cœur joie durant la journée et avait creusé plusieurs trous. Gêné, Castiel souffla :

    – Je viendrai boucher ça... désolé pour la pelouse.

    Ces paroles eurent le mérite d'arracher un rire à la jeune femme, qui caressait toujours le beauceron.

    – C'est pas grave. J'en profiterai pour planter un arbre, tiens.

    Soudain, elle reprit son sérieux et se releva. Là, elle joignit les mains dans son dos et jeta un regard timide à son ami.

    – Tu entres ? Ça reste mieux pour parler.

    Ne s'étant pas attendu à de tels égards, il se contenta d'acquiescer et de la suivre jusque dans le salon. Après s'être fait servir un soda ainsi qu'une collation, il comprit qu'il pouvait enfin lui parler : il avait toute son attention.

    En la voyant assise face à lui, les mains fermement serrées sur ses genoux et la tête baissée, il comprit son malaise et ne sut comment réagir. D'ordinaire, il s'était toujours contenté d'envoyer paître la personne en insistant sur sa susceptibilité, mais en cet instant, la situation était toute autre. Enfin, il soupira en se massant le crâne :

    – Je pensais pas ce que j'ai dis. Lysandre m'a énervé.

    – Pourtant... c'est moi qui ai pris, souffla-t-elle. Je crois qu'on a été un peu vite, tous les deux.

    Soudain, elle releva la tête et le fixa, l'air grave :

    – Démon peut toujours venir. Ça, ça ne changera pas même si on est fâchés à mort. Je te laisserai un double du portillon. Mais je crois que pendant un temps... Ce sera mieux si je m'en tiens au strict minimum te concernant.

    Castiel, quant à lui, était perdu. Il ne savait pas où elle désirait en venir : cherchait-elle à l'éviter ? Ne désirait-elle plus être en sa compagnie ? Il ne le voulait pas, mais ignorait comment le lui dire.

    – Écoutes... C'est lui que j'ai cherché à blesser, pas toi. Tu crois sérieusement que je fais ça pour tout le monde de venir systématiquement à leur secours ? Même après quelques jours tu te doutes bien que non. Mais ça me met en rogne de voir comment il...

    – Castiel, s'il te plaît, le coupa-t-elle.

    Elle dardait sur lui un regard sévère qui se radoucit bien vite.

    – Je n'aime pas que mes amis médisent sur l'autre. Surtout quand ils sont eux-même meilleurs amis.

    Il s'étonna de la voir lui offrir un sourire. Sourire qui disparut lorsqu'elle poursuivit :

    – Lysou a ses raisons. Je crois qu'il est partagé entre Rosalya et moi. Ça n'est pas une situation facile à gérer. C'est normal qu'il ne soit pas toujours là pour moi. Toi... Je te suis reconnaissante d'avoir adoucit mes premiers instants ici. Mais que tu le penses ou non, tu as raison. Je vis seule à présent.

    Le cœur du rockeur se serra, lorsqu'il entendit le sanglot à peine contenu dans sa voix et vit des larmes inonder les yeux de la jeune femme, qui ne les contenait qu'à grand peine.

    – Il faut bien que j'arrête de me reposer sur...

    Elle se tut lorsque subitement, elle fut enveloppée dans ses bras. N'y tenant plus, Castiel s'était levé et l'avait attirée contre lui. Il la serra plus fort encore, lorsqu'il la sentit se raccrocher à sa veste, secouée par un sanglot. D'une voix rendue rauque, il la réprimanda pour la forme :

    – Là par contre t'es crétine... Il m'a fallu plusieurs mois pour m'y faire et encore, moi j'avais Démon. Et toi tu crois t'y faire en quelques jours à peine ? Avec l'autre qui te fait des crasses en plus ? Je te l'accorde j'suis loin d'être le plus doux et le plus patient... Mais bordel...

    Il prit quelques instants pour mûrir ses paroles et soupira :

    – T'as du monde derrière toi. Alors laisse-toi faire. Arrête cette bêtise de vouloir changer. Je m'en fout que tu pleures, si je suis pas d'humeur t'auras qu'à aller voir... Oh et puis laisse tomber !

    En son fort intérieur, Castiel pestait de perdre ainsi le fil de ses pensées et de ne savoir comment s'exprimer. Il décida alors de changer de sujet : trop curieux de savoir si les dires du victorien étaient vrais ou non. En la sentant enfin rire contre lui, il arbora un fin sourire et se lança :

    – Il s'est passé quoi à ce fameux café pour que tu veuilles plus y mettre les pieds ?

    Immédiatement, la jeune femme le lâcha et poussa sur ses abdos de la paume de ses mains pour s'en éloigner. Lorsqu'il accepta de la laisser partir, elle fit quelques pas en se tenant les bras croisés devant elle. Elle tourna sur lui un regard sombre, tandis qu'il jura la voir trembler.

    – C'est une histoire de gamine rêveuse. Rien de plus...

    En réponse, il soupira à nouveau et l'encouragea d'un ton sec :

    – Racontes.

    La blonde détourna le regard et se contenta de souffler d'une voix mal assurée :

    – J'ai eu le cœur brisé par un type le soir de mon anniversaire. C'était débile de ma part... Je l'avais rencontré quelques mois plus tôt et encore, nous nous sommes vus moins d'une journée. Je ne connaissais de lui que le nom de son chien et ce qu'il a bien voulu me raconter. Sans compter qu'on n'a jamais reparlé depuis. Oscar m'a dit il y a quelques jours m'avoir caché le fait qu'il avait cherché à me contacter. Avant ça, je n'en savais rien. Mais même sans ça... Je ne savais rien de lui et je m'en suis entichée quand même. Au final, il avait une copine et je n'ai du être qu'une aventure quelconque.

    – T'es sûre de ça ? S'enquit-il à mi-mots.

    Son intervention lui valut un regard doux, qui replongea rapidement dans le vague.

    – Sans doute. Quoi qu'il en soit, je me suis longtemps raccrochée à cette chimère, puis à ce traumatisme. Seul Oscar a su me remettre en confiance. C'est pour ça que j'étais si mal à l'aise, dimanche. Tu m'as paru sympathique, mais depuis... J'ai peur de me lier à qui que ce soit que je ne connaisse pas de longue date.

    Peiné, le rockeur hocha la tête. Il compatissait avec la jeune femme, mais pas seulement. Une profonde tristesse s'emparait peu à peu de lui. Alors, il choisit de lui répéter la confidence du victorien. Surprise, Séraphina échappa malgré tout un rire sans joie.

    – Moi, le détester ? Même celle qui m'a agressée je ne la déteste pas.

    En voyant son air abasourdit, elle lui promit qu'elle lui raconterait plus tard cette anecdote. Enfin, elle acheva de lui répondre en déclarant :

    – Non... le plus stupide... C'est que je crois que j'ai encore des sentiments pour lui. Bastien me l'a fait réaliser... Oh ! Bastien est le batteur du groupe de Lysou.

    Ses joues rougies trouvèrent leur écho sur le visage du rockeur, qui se racla la gorge pour se donner contenance. Incapable de parler, il but une longue rasade pour se donner du temps. Cependant... comme il devait s'y attendre, le soda fit son effet et lorsqu'il voulut parler à la blonde, il éructa bruyamment.

    Loin de s'en offusquer, elle rit de bon cœur et l'applaudit. Profitant de cette bonne humeur revenue, elle le pria de l'excuser et vérifia l'heure sur son téléphone.

    – On a encore une heure. Après, je suis désolée, mais soit je te passe dehors, soit tu assistes à notre répétition.

    Mort de honte, Castiel crut bon de prendre congé dès à présent et s'excusa auprès de la jeune femme qui ne s'en formalisa pas. Après tout, elle avait désiré remettre un peu de distance entre elle et son ami. Bien qu'elle ne lui en voulut pas : ses paroles restaient encore bien présente dans son esprit et sa résolution la concernant était ferme.

    Une fois Castiel et Démon partis, elle s'empressa de faire les quelques devoirs qui lui avaient été donnés afin de pouvoir pleinement profiter de ses amis par la suite.

     

    Elle mit à profit leur répétition et les quelques conversations qui suivirent pour leur parler de son projet de devenir plus indépendante. Bien qu'ils s'en inquiétèrent, tous furent contraints de saluer son initiative. De son côté, Amalrik leur évoqua lui aussi ce désir : il commençait tout juste à fréquenter une jeune femme et craignait d'être moins présent.

    Ce soir-là, tous furent soulagés de voir que même éloignés, leur lien demeurait intact. De son côté, Séraphina fut fortement encouragée à répéter en compagnie de Lysandre et de leur ami commun.


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  • Des cris désespérés retentissaient sur la plage de Sweet Amoris. Cela n'était pas dans l'habitude de Castiel de paniquer ainsi, mais Démon s'était sauvé depuis plusieurs heures maintenant et la nuit commençait à tomber. Comme pour ne rien arranger, il était encore très jeune et de plus en plus de monde affluait pour assister au concours de groupes de musique amateurs, ce qui ne lui rendait pas la tâche facile. Entre ses mains, il tenait le collier et la laisse de son meilleur ami : il ne le lui avait quitté qu'un instant, pour qu'il cesse de se gratter. Mais à présent, il regrettait amèrement son geste.

    Le grésillement des hauts-parleurs de l'immense scène qui avait été montée non-loin le fit soupirer : aucune chance que son ami ne l'entende avec ce raffut.

    « Votre attention s'il vous plaît ! Un chiot de type beauceron vient d'être retrouvé par l'une de nos participantes. Pour plus de facilité, merci de vous rendre devant le point gendarmerie si vous en êtes le propriétaire. »

    Son sang ne fit qu'un tour : ça ne pouvait être que lui ! Il courut à en perdre haleine et bien vite, il aperçut Démon. Celui-ci se roulait sur le dos pour profiter plus amplement des caresses d'une jeune fille aux cheveux blonds et vêtue d'une robe steampunk bleu roi. Parvenu à portée de voix, il l'appela et s'émut de le voir se relever instantanément. Il se mit alors à tirer de toutes ses forces sur sa laisse et manqua d'entraîner sa gardienne avec lui. Quand il fut à portée, elle lui tendit la laisse et les laissa chahuter quelques instants tous les deux.

    – Plus jamais tu me fais ça ! C'est bien compris, Démon ? Tu m'as inquiété...

    – Démon, s'amusa la jeune fille. Ça lui va plutôt bien. Il a été sage. Je l'ai trouvé en fin d'après-midi et j'ai tourné quelques temps voir si personne ne le reconnaissait. On n'a pas pu faire d'appel avant, on avait des problèmes de son... désolée.

    Toujours accroupi, il posa sur elle un regard chargé de tout le soulagement et le bonheur qu'il ressentait en cet instant.

    – T'excuses pas voyons, t'as veillé sur lui, je pouvais pas rêver mieux.

    Après lui avoir remis son collier, il se redressa et sourit à la jeune fille qu'il surplombait largement. Elle vrillait sans hésitation son regard vairon dans le sien et lui souriait aimablement, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Il aimait ce qui se dégageait d'elle.

    – Est-ce que... je peux lui faire un dernier câlin ? C'est un amour ton chien.

    Castiel s'étonna de voir Démon sauter sur la jeune fille et lui lécher consciencieusement le visage, déclenchant son hilarité. Elle prenait soin de le soutenir, pour qu'il ne se blesse pas.

    – Hahaha, Démooon, non ! C'est crade, je suis maquillée, c'est pas bon ! Tu vas t'empoisonner... Moi aussi, je t'aime.

    – C'est fou qu'il réagisse comme ça, il ne l'a jamais fait avec personne d'autre que moi, avant, sourit-il. Démon... ça suffit.

    Devant le ton plus sec de son maître, le jeune beauceron revint s'asseoir à ses côtés tout en se léchant les babines. Ne sachant que faire, il se surprit à rougir et lui tendit la laisse coulissante qu'elle avait utilisée pour le garder.

    – Oh, tu peux la garder. On n'a pas de chien. Et ça vous fera un petit souvenir !

    N'en revenant pas de tant de gentillesse, Castiel hésita longuement quant à la marche à suivre. Il ne savait pas s'il lui fallait se présenter, l'étreindre, ou que savait-il encore ?

    Comme pour lui épargner cette peine, il vit la jeune femme lui adresser un signe de main après une ultime caresse à Démon, et s'éloigner en déclarant :

    – Je suis vraiment heureuse de vous avoir rencontrés, tous les deux ! Je dois vous laisser, mon groupe m'attend. Soyez prudents !

    Se sentant enfin ramené sur terre, Castiel réalisa qu'il ne l'avait même pas véritablement remerciée. Dans un sursaut, il lui hurla :

    – Rejoins-moi ici après le concours !

    N'obtenant aucune réponse, il s'éloigna, dépité et décida de ramener son compagnon chez lui avant qu'il ne se sauve à nouveau.

    Sur le chemin le menant à l'arrêt de bus, son regard fut attiré par une boutique qui s'apprêtait à fermer. De nombreux paniers de jouets de toutes sortes étaient posés à même le sol, tandis que des bijoux fantaisies étaient suspendus contre un panneau couvert de velours. Il haussa les épaules.

    – Pourquoi pas ? T'en dis quoi, mon vieux ? Les filles ça aime les bijoux.

    Il se rapprocha et les détailla : de petites fées, des dauphins, des coquillages... Rien de tout cela ne l'inspirait. Il aurait préféré quelque chose qui, tout comme cette laisse, lui rappellerait cette journée. C'est alors que le vendeur s'adressa à lui d'un ton un peu rude :

    – Jeune homme... je crois qu'il va falloir acheter cette peluche.

    – Quelle peluche ? Qu'est-ce que j'irai faire d'une pe...

    Il se tut en voyant Démon, fier comme un pape, une peluche noire dans la gueule. Lorsqu'il la lui prit, il vit qu'il s'agissait d'un skelanimals en forme de chien : seuls son squelette et son cœur étaient dessinés. Il sourit et haussa à nouveau les épaules :

    – Bien trouvé. Je vous la prend.

    – Voulez-vous que je vous l'emballe ?

    Immédiatement, le vendeur s'était montré plus aimable. Après avoir accepté, il régla son dû et put attraper le dernier bus.

    Une fois Démon nourrit et ramené sur son balcon, il prit une douche rapide et s'habilla. Avant de sortir, il s'inspecta dans la glace : il portait un blouson de cuir noir à sangles argentées par-dessus un t-shirt rouge. Ses cheveux noirs commençant tout juste à lui effleurer les épaules le firent sourire plus que de raison.

    – Manque plus que des lunettes noires et j'ai l'air d'une racaille... Elle va flipper, c'est sûr.

    Il attrapa ensuite son casque, ainsi que son paquet cadeau et fila jusqu'au garage de la résidence. Là, il enfourcha sa moto cross et pria pour arriver à temps pour assister à leur représentation. Il ignorait encore où tout cela le mènerait, il se contentait de suivre son envie du moment : et celle-ci était de profiter un maximum de la présence de cette charmante inconnue. Quelque chose en elle le poussait à l'apprécier sans même la connaître véritablement.

     

    Enfin parvenu sur la plage, il soupira : le groupe était d'ores et déjà en train de se produire. Tous arboraient cette même mode steampunk, ainsi qu'une couleur de cheveux bleu roi. La jeune fille se révéla être bassiste et chanteuse. Elle virevoltait entre le guitariste chanteur, et les autres membres de son groupe pour effectuer quelques pas de danse avec eux. Sa longue chevelure flottait au vent tant elle ne cessait de se déhancher. Cette vision lui arracha un sourire : il aimait cette voix encore légèrement fluette. Elle ne devait pas avoir plus de treize ans, tandis que lui, fêterait bientôt son quinzième anniversaire.

    Soudain, ils cessèrent de jouer pour chanter tous en chœur :

    « Amour d'été,

    Pour toujours et à jamais,

    Dans mon cœur sera gravé...

    Le doux goût de nos baisers.»

    Petit à petit, le violoncelliste reprit un tempo lent, bien vite rejoint par le batteur et le claviériste. Ce fut enfin au tour des guitaristes d'imposer un rythme effréné. Le couplet suivant s'avéra plein de promesses faites à l'avenir. Sur l'instant, Castiel ne sut que penser de cette chanson.

    Comprenant qu'ils allaient bientôt finir, il gara sa moto et se rapprocha des « coulisses » délimitées par une simple barrière et un vigile à l'air patibulaire. Il s'étonna d'entendre autant d'acclamations pour un groupe d'adolescents et déchanta, lorsqu'il les vit descendre de scène. Les bras chargés de peluches, de roses et autres objets auxquels étaient parfois attachées des photos ou des petits mots, qu'ils rangèrent dans une valise.

    Lorsqu'il voulut rejoindre la jeune fille, il se heurta au vigile :

    – T'es qui, toi ?

    – Je suis un ami, déclara-t-il en la pointant du doigt. Je devais venir la voir après son passage.

    – Qui, elle ?

    Comprenant que le vigile faisait exprès de confondre deux autres participantes du concours, il comprit que son excuse du « pote » ne prenait pas. Il ignorait même jusqu'à son nom. C'est alors que le plus jeune des membres du groupe le remarqua. D'un physique frêle, il s'approcha avec une assurance toute relative et posa sur lui un regard bleu métallique rieur :

    – J'peux t'aider, copain ? T'as l'air trop malheureux, derrière ta barrière.

    – Il prétend connaître Séraphina, déclara le vigile.

    Son amour propre en prit un coup, lorsque le jeune homme le fixa avec un étonnement évident. Il en venait à regretter son geste.

    – T'es le proprio du chien ?

    – Elle vous a parlé de Démon ?

    – Moi c'est Koga, fit-il en lui tendant la main.

    Sans hésitation, il la lui serra et s'amusa de voir l'adolescent tenter de convaincre le vigile que tout irait bien. Toutefois, tous ne l'accueillirent pas aussi chaleureusement. À son approche, les autres garçons formèrent comme un rempart devant Séraphina, qui voulut les raisonner :

    – Je ne crains rien, les gars... C'est le maître de Démon ! Je lui ai promis qu'on se verrait après le concours...

    – Laisse, soupira-t-il. Je voulais juste te filer ça...

    D'un geste nerveux, il extirpa le paquet de sa poche. Le papier avait souffert d'un tel traitement et à en juger par les regards sévères qui se posaient sur lui, il ignorait si elle pourrait le conserver. À sa vue, Ulrich et Amalrik se radoucirent et s'écartèrent pour lui permettre de transmettre son présent. Lorsque ce fut fait, il s'éloigna sans mot dire. Il aurait aimé pouvoir converser en privé avec elle, mais ses amis l'insupportaient tant, qu'il craignait que son côté bagarreur ne ressurgisse.

    Alors qu'il passait la barrière, il sentit une main lui attraper la manche. Malgré lui, il se sentit sourire et posa son regard sur une Séraphina rougie.

    – Si on est choisis, ça peut durer jusqu'à minuit... T-tu es sûr de vouloir me retrouver après ?

    Il s'amusa de voir ce changement d'attitude, elle qui lui avait parue très assurée, lorsqu'elle lui avait ramené Démon, la voilà qui bafouillait.

    – Ça marche. À plus Cendrillon !

    Elle acquiesça vivement et retourna auprès de ses amis. C'est l'esprit plus léger qu'il assista au reste du concours. Toutefois, lorsque le présentateur remonta sur scène, il décida de prendre un peu d'avance et quitta la plage pour retourner au lieu de rendez-vous.

    Ce n'est que de longues minutes plus tard, qu'il vit la jeune fille approcher en compagnie d'Amalrik. Il décréta que le jeune homme devait avoir à peu près son âge. De taille et de corpulence similaire à lui, il arborait un visage doux et dardait sur lui un regard vert perçant.

    – T'as un chaperon ? La railla-t-il par réflexe.

    – Oscar n'aurait jamais laissé faire, si je n'étais pas venu, déclara Amalrik. Tu dois trouver ça ridicule, mais saches juste qu'il y a quelques mois de ça... on nous l'a agressée. C'était une personne comme toi : qui ne semblait pas avoir de mauvais sentiments, qui l'a attirée loin de nous. On l'a retrouvée à l'hôpital, les yeux brûlés par une bombe lacrimo et... Avec la hanche transpercée par on ne sait trop quoi.

    Estomaqué, Castiel jeta un regard compatissant à la jeune fille, qui ne put le soutenir et glissa derrière son ami, comme pour se masquer à sa vue.

    – J'ai juste été stupide... Elle avait l'air gentille, et sans l'intervention de Lysou, je...

    – T'as qu'à venir, tant pis.

    La réaction de Castiel amusa le jeune homme, qui mûrit son choix.

    – Je vous accompagne juste. Comme ça, je m'assurerai que vous soyez bien dans un lieu surveillé et que tu ne l'emporteras pas je-ne-sais-où. Appelle-moi pour me dire où et quand je dois venir te chercher, Séra.

    Castiel acquiesça, c'était de bonne guerre après ce qu'ils avaient vécu. Il les conduisit donc tous deux dans un silence tout relatif, jusqu'à un café dont il savait qu'en cette saison la fermeture ne s'effectuait qu'au petit matin.

    Une fois rassuré, Amalrik déposa un baiser sonore sur le front de sa cadette et lui rappela que leur train partirait dans exactement deux heures et vingt minutes. Après quoi, il leur souhaita une bonne soirée et partit.

    – C'est un bon gars, commenta Castiel.

    – Il t'apprécie, sinon il serait vraiment resté. Je... Je suis désolée pour l'attitude des garçons... ils sont très gentils. Mais...

    – Je les comprends un peu, ne t'inquiètes pas. Alors... Vous avez gagné ?

    Elle émit un rire cristallin et secoua vivement la tête, tandis qu'un serveur venait prendre leur commande.

    – On est seconds. Oh... un chocolat, s'il vous plaît.

    Pour toute réponse, Castiel émit un sifflement admiratif. Leurs cafés arrivèrent rapidement et alors qu'il allait relancer la conversation, il vit la moue dépitée de la jeune fille.

    – C'est un café ?

    Il manqua d'échapper un éclat de rire en la voyant secouer la tête d'une mine boudeuse.

    – C'est une boisson d'adulte... tu n'es pas prête.

    – Te moque pas ! Il s'est juste trompé... c'est rien. Bien sucré... ça devrait le faire.

    Dans un geste mi-amusé mi-moqueur, il lui céda ses sachets de sucre et s'amusa de voir sa comparse faire. Avant qu'elle ne porte la boisson à ses lèvres, il ne put résister :

    – C'est de la confiture ! Tu veux une tartine ?

    – Hé ! Me fais pas regretter d'être venue... s'il te plaît.

    D'une traite, elle tenta de vider le contenu de sa tasse, mais manqua de tout recracher sur le rebelle. Définitivement hilare, il parvint malgré tout à se calmer et rappela le serveur. Une fois la commande rectifiée, il s'amusa de la voir le remercier à mi-mots. Enfin, elle extirpa son paquet de sa poche et entreprit de l'ouvrir.

    – Je dois te prévenir que c'est Démon qui a choisi. J'étais plus partit sur autre chose.

    – Quoi que ce soit... merci. Tu n'étais pas obligé.

    Un sourire amer s'étira sur son visage, tandis qu'il repensait à la montagne de cadeaux reçus un peu plus tôt. Toutefois, elle semblait vraiment touchée par son paquet.

    – T'en as reçu des tonnes, je sais même pas si t'auras pas le même.

    – Celui-ci est spécial, fit-elle en secouant la tête en signe de négation. Déjà parce que ça n'a pas l'air d'être ton genre, et parce que toi, tu ne nous connais pas. Je suis heureuse d'avoir un souvenir d'aujourd'hui !

    Joignant le geste à la parole, elle ouvrit le paquet. En découvrant la peluche, son visage s'illumina. Immédiatement, elle l'en sortit pour l'étreindre et lui jeta le regard le plus doux qu'il n'eut jamais vu. Sans crier gare, elle se leva d'un bond et vint déposer un baiser sonore sur sa joue, avant de rougir et se confondre en excuses diverses. Castiel, lui-même rougi, se caressa la joue :

    – Pour cette fois, t'es pardonnée. T'es du coin ? Je t'ai jamais vue ici.

    Déjà, le téléphone de la jeune femme se mit à sonner. Décontenancée, elle s'excusa et le mit en vibreur... ce qui ne fut pas plus discret pour autant. Castiel se doutait qu'il s'agissait sans doute des autres membres de son groupe, peu satisfaits à l'idée de la savoir loin d'eux. Pourtant, Séraphina parvint à se composer un visage et n'y prêta bientôt plus attention.

    – Du tout, on vient d'Armor Shield. On ne vient à Sweet Amoris qu'une fois par an pour participer à ce concours. Ça fait... trois ans qu'on vient. Avant ça, on était bien trop jeunes. Surtout Koga et moi, en fait.

    – Moi qui ne vais jamais y assister... Je ne risquais pas de vous y voir. J'aime ta façon de jouer.

    – C'est gentil, mais j'ai encore beaucoup à apprendre. Tu es musicien, toi aussi ?

    – Exactement. Je joue de la guitare électrique depuis tout gamin.

    Leur discussion s'éternisa sans qu'aucun d'eux ne s'ennuie pour autant. Ils parlèrent musique, puis, sans qu'ils ne sachent comment, le sujet dériva sur l'émancipation. Elle avait perdu ses parents à l'âge de neuf ans et son grand-père détenait une entreprise florissante. Elle se trouvait donc souvent entourée uniquement des membres de son groupe. Castiel trouvait vivifiant de pouvoir parler à quelqu'un qui le comprenait réellement, même si lui, ses deux parents étaient encore en vie.

    D'un coup, elle bondit en regardant son téléphone.

    – Oh non ! Je vais louper le train !

    – Pourquoi vous prenez votre train aussi tard, la nuit ?

    – On n'a pas le choix... L'hôtel de la plage prend trop cher pour deux jours... On est quand même cinq. Et les tickets ne sont pas remboursables. Je... Je suis désolée de devoir te laisser comme ça... J'espère vraiment qu'on se reverra...

    Elle griffonna son numéro sur une serviette en papier et la tendit à Castiel qui, amusé, la glissa dans la poche de sa veste. Puis elle attrapa sa veste à la hâte et récupéra sa peluche, tombée dans la précipitation. Castiel se leva à son tour et lui attrapa le poignet pour qu'elle se tienne tranquille.

    – C'était vraiment super de te rencontrer, merci pour tout, mais je dois y aller.

    Son ton lui fendit le cœur. Il ne pouvait pas la laisser comme ça.

    – Attends-moi ici, je ne serai pas long. Tu seras à la gare avant que ton train ne parte. Préviens tes potes que tu arrives.

    Il courut à en perdre haleine chercher sa moto cross tout en priant pour qu'elle lui ait fait confiance et l'ait attendu. En à peine quelques minutes, il était de retour et fut soulagé de voir qu'elle l'avait écouté. En la voyant hésiter, il lui fit signe :

    – Sois pas timide : monte et accroche-toi bien à moi.

    Après avoir placé sa peluche bien à l'abri, elle s'exécuta. C'est alors que Castiel réalisa qu'il ne possédait qu'un seul casque, qu'il quitta et lui tendit :

    – Mets-ça.

    – Non ! Tu n'en as qu'un, garde-le.

    – J'te laisse pas le choix !

    Joignant le geste à la parole, il se contorsionna et le lui mit « de force ». Après quoi, il démarra en trombe et roula à vive allure. Il éprouvait un sentiment doux amer et ne savait comment procéder : lorsqu'il accélérait, elle se cramponnait un peu plus à lui, plaquant son corps au sien. Mais tout ceci réduisait inexorablement le temps qu'il leur restait encore.

    Durant tout le trajet, Castiel repensa à cette rencontre : il n'avait encore jamais aimé, auparavant. Aujourd'hui, il avait trouvé quelqu'un dont il savait que l'absence lui pèserait. Déjà la gare se dessinait devant lui, lui faisant comme l'effet d'une pierre tombant au creux de son ventre.

    – Quel quai ?

    – Hein ?! Euh... B !

    Après une habile manœuvre, ils parvinrent à destination. Séraphina s'empressa de descendre de moto et lui rendit son casque. Il lui sembla que quelques larmes s'étaient échappées de ses yeux bleu et gris durant le voyage. Descendant à son tour, il put la voir trembler comme une feuille et s'en amusa. En gentilhomme, il ôta sa veste et la lui jeta nonchalamment :

    – Mets ça, le temps que ton train soit là. On a encore quelques minutes.

    – Oh, merci... Toi, tu n'auras pas froid ?

    – Tu n'auras qu'à te serrer contre moi, dit-il sur le ton de l'humour.

    Elle rougit encore un peu plus tout en l'enfilant, pour le plus grand plaisir du rockeur.

    – Je ne sais pas ce que j'aurai fait sans toi !

    – Tu n'aurais pas été au café et tu n'aurais pas risqué de rater ton train.

    Sa pique n'eut pas l'effet escompté, elle baissa la tête et se tritura les doigts.

    – Même si je l'avais raté... Je crois que je m'en serai voulue de ne pas être venue. Et même si ça va rendre les garçons totalement zinzins.

    L'aveu le fit doucement rire. Il ne put plus longtemps réprimer l'envie qu'il gardait depuis leur rencontre, il lui caressa la joue et rapprocha son visage du sien. Enhardi par son souffle court, il lui susurra à l'oreille :

    – C'est mon anniversaire.

    – Séraphinaaaa ! Hurla l'un de ses amis.

    Elle sursauta et s'excusa avant de s'enfuir vers le petit groupe qui l'attendait de pied ferme. Leur train venait d'entrer en gare, et ils craignaient qu'elle ne le rate. Sans compter que l'un d'entre eux était particulièrement furieux contre Castiel. Ne désirant pas que tout se termine de cette façon, Castiel enfourcha sa moto et démarra en trombe. Il lui coupa la route et lorsqu'elle se fut arrêtée, il glissa sa main derrière sa nuque et l'attira à lui. Dans un geste qu'il voulut le plus tendre possible, il pressa ses lèvres sur les siennes. Il y mit fin à regret et reprit la route le plus vite possible, puisqu'il sentait d'ores et déjà le chagrin perler à ses yeux.

     

    Six mois s'étaient écoulés depuis ce fameux jour. Castiel avait rapidement découvert qui était ce groupe et n'avait pas manqué de tenter de contacter la jeune femme via commentaires sous leurs vidéos ou messages privés. Cependant, les Chained Souls demeuraient muets.

    Vivant sa vie de lycéen malgré tout, il sympathisa avec Lysandre qui un beau jour, lui proposa de venir voir jouer son groupe, dans le café de la ville voisine. D'abord hésitant, Castiel avait fini par se laisser tenter.

     

    Il fut surpris de constater, une fois sur place, que ce café proposait régulièrement des soirées ouvertes aux amateurs tant de musique, que de karaoké. Des tables étaient disposées devant une scène, tandis qu'un bar était accolé au fond de la pièce, de sorte à ce que tous puissent profiter des spectacles proposés.

    Étant l'un des premiers clients, il prit place à l'une des tables lui garantissant une meilleure vue sur la scène et commanda de quoi grignoter. Tout à ses pensées, il ne vit pas l'autre groupe passer en coulisse et bientôt, il fut abordé par une jeune fille au décolleté pigeonnant.

    – Salut Castiel ! Si j'avais su que tu venais, j'aurais mis autre chose.

    – Débrah, s'étonna-t-il. Tu viens voir Lysandre ?

    – Connais pas, fit-elle d'un ton léger. J'ai mes petites habitudes ici.

    Sans même le concerter, elle prit place à ses côtés et commanda elle aussi une boisson. Le brun soupira, sa présence ne le dérangeait pas tant que cela, mais il n'aimait pas cette façon de procéder. Comme si elle l'avait deviné, elle prit rapidement un air penaud et s'excusa auprès du jeune homme. D'une voix trop mielleuse, elle lui confia :

    – Je n'aime pas trop être toute seule. Mais si tu veux, je peux prendre une autre table.

    – Ça ira, soupira-t-il en fixant la scène.

    Il s'étonna de son attitude : d'ordinaire, elle se contentait de se montrer joviale, mais pas collante. Soudain, il vit avec horreur les serveurs venir déposer sur les tables roses rouges et petits cœurs de tissus. Bien vite, le café tout entier se retrouva décoré. Il avait oublié quelle était la date du jour.

     

    Pendant ce temps, en coulisses, les deux groupes se retrouvaient avec émotion. Tous trinquaient avec des verres d'eau, tandis qu'un grand blond, lui, prit un soda. Il fut bien vite raillé par le reste du groupe :

    – Oscar, prévint Bastien, je te signale que tu es chanteur. Tu sais ce qu'il arrive, si tu bois non seulement sucré, mais aussi gazeux avant d'aller sur scène.

    Bastien était le batteur de son groupe. Depuis leurs débuts, ces deux groupes avaient noué une solide amitié dans leur rivalité. Et celle-ci s'en était trouvée renforcée lorsque Lysandre avait porté secours à Séraphina. Celle-ci ne manqua pas de rappeler à tous une anecdote qui la faisait encore beaucoup rire :

    – Comme au concours du village de Lysou ! Où il a roté pendant près de trente secondes... C'était impressionnant.

    – Séra, râla le blond. Défends-moi au moins un peu.

    La blonde émit un rire cristallin auquel participèrent ses amis. La jeune femme portait encore la veste de son mystérieux inconnu et ne chantait plus qu'en fixant sa chère peluche à son costume. Ce détail ne faisait qu'enrager Oscar qui tentait malgré tout de faire bonne figure. Afin d'alléger l'ambiance, Lysandre se lança :

    – Vous restez bien après le concert, n'est-ce pas ?

    – Mon pauvre vieux, sourit Oscar. Bien sûr.

    – C'était prévu, renchérit Ulrich en souriant.

    Ils furent interrompus par trois coups frappés à la porte. Gontran, le gérant du café, un homme affable avoisinant la cinquantaine aux cheveux grisonnants pénétra dans la pièce en leur souriant. Dans sa jeunesse, il avait été repéreur de talents et aimait à présent donner leur chance aux tout jeunes groupes. Il frappa dans ses mains et déclara d'une voix forte, mais douce :

    – Je ne veux pas casser la baraque, les jeunes, mais ça va être à vous. La salle se remplit, il serait de bon goût que vous alliez faire vos tests sons. Les Chained, à vous de choisir, vous pouvez aller vous restaurer avec les clients ou rester ici... Voir carrément manger après.

    Il ne put retenir un éclat de rire, lorsqu'il reçut les plus jeunes des garçons dans les bras. Il les connaissait un peu et savait que parler à leur estomac était comme gagner leur cœur.

    – Oh mon Trantran, clama Koga. T'es trop bon avec nous. On mangera après, comme ça, les Victorians seront avec nous. Toi aussi, t'es invité.

    – Heureusement, nous sommes tout de même chez lui, s'amusa Amalrik.

    C'est le cœur léger que le groupe de Lysandre partit préparer leurs instruments. Pendant ce temps, les Chained Souls sortirent des bombes de teinture de leurs sacs, ainsi que leurs tenues de scène. Consciencieusement, chacun colora les cheveux de l'autre en prenant soin de ne rien tacher. L'exercice leur prit un temps conséquent, les empêchant d'assister à une partie du concert de leurs amis. Ils finirent par convenir que c'était sans doute la dernière fois qu'ils se livraient à un tel exercice. Ayant depuis longtemps réalisé que garder leur couleur de cheveux était tout aussi judicieux. Soudain, quelques paroles leur parvinrent, étonnant Séraphina :

    – Ils ne chantent pas leurs chansons ?

    – Séra, heureusement que t'en parles maintenant ! Tu as oublié ?

    La jeune fille adressa un sourire contrit à son plus jeune ami, qui vint l'enlacer.

    – C'est la Saint-Valentin, Gontran préfère qu'on chante des chansons connues. Nous, on doit chanter Sensualité, Tu es mon autre, d'amour ou d'amitié et...

    – J'ai encore rêvé d'elle, s'amusa Oscar. C'est rien vous deux, on va revoir ça.

    Le blond se leva et vint les surplomber en passant ses bras autour de leurs épaules.

     

    Enfin, le groupe de Lysandre quitta la scène sous les applaudissements des couples et groupes présents. Ayant fini de manger, Castiel ramassa son casque et chuchota à Débrah :

    – Bon, on se voit lundi.

    Consciente que le retenir ne lui apporterait rien de bon, Débrah se contenta de prendre un air triste et acquiesça. Une musique douce envahit bientôt le café et alors qu'il venait de passer le pas de la porte, Castiel s'arrêta. Il avait entendu une voix qui ne lui semblait pas inconnue. Lorsqu'il revint sur ses pas, Gontran l'interpella en souriant :

    – Bah alors mon garçon, t'as oublié quelque chose ?

    Voyant son hésitation, il le rassura et l'invita à retourner dans la salle. Lorsqu'il y pénétra et vit la scène, le choc fut tel qu'il en lâcha son casque. Heureusement, le bruit fut couvert par la musique et les chanteurs continuèrent sans ne rien remarquer.

    Séraphina se promenait sur scène en chantant dans son micro-casque, les chœurs étant assurés par ses amis. Durant toute la prestation, il resta là, ne sachant comment réagir. Lorsqu'enfin la chanson fut achevée, une main amicale vint lui presser l'épaule. Il rencontra alors le regard vairon de Lysandre qui lui sourit et l'invita à venir s'asseoir avec son groupe.

    Un fois assis et servi en boisson, l'un d'entre eux crut bon de le taquiner.

    – T'aimes pas nos potes ? Hé Lysandre, propose-lui de rester avec nous pour la petite fête surprise. Il a l'air cool ton pote.

    – Bastien, Castiel est là et il t'entend.

    Il sourit malgré tout et transmit l'invitation au rockeur, qui ne détachait toujours pas son regard de la scène. Il s'étonna de constater que la complicité entre les deux chanteurs semblait avoir encore augmenté, depuis le dernier clip qu'ils avaient publié. Tous deux chantaient tour à tour en chahutant, suivant ainsi les paroles de la chanson. Bientôt la chorégraphie se fit plus rapprochée, Oscar allant même jusqu'à poser ses mains sur les hanches de la jeune femme qui se trémoussait. Elle sourit en retour et lui caressa la joue en reprenant :

    – Tous tes gestes, en douceur... Lentement dirigés, sensualité, chanta-t-elle.

    Nombre de spectateurs souriaient en réponse à leurs frasques. Il se rappela alors des rumeurs, lues parmi les commentaires.

    – On dit qu'ils sont ensemble...

    – Oscar et Séra... ?

    Le bassiste et le guitariste échangèrent un regard avant d'exploser de rire, sous le regard sévère de Lysandre. Ce fut finalement Bastien qui parla :

    – Ce pauvre Oscar en est dingue depuis longtemps, c'est pas un secret... Mais rien n'est encore...

    Ils furent interrompus par Gontran, venu leur intimer le silence, voyant que certains clients étaient dérangés par leur discussion animée. Lorsque Oscar entonna « Comment te dire », Icarus se leva et vint tirer Castiel de sa rêverie.

    – On va faire une petite fête, tu es des nôtres ? Lysandre nous a parlé de toi, tu as l'air sympathique. Donc ça sera avec plaisir, chuchota-t-il.

    Ne pouvant se priver de cette occasion, Castiel leur emboîta le pas sans remarquer le regard que Débrah lui jeta.

     

    Une fois de retour en coulisses, il s'étonna de voir la peluche qu'il lui avait offerte, lors de leur rencontre. Quand il vint s'en saisir, Lysandre lui fit reposer d'un geste doux :

    – C'est à Séraphina. Elle y tient beaucoup, elle a du oublier de la fixer à son costume. Je sais que tu n'as pas de mauvaise intention, mais je préfère être prudent. Un jour, elle a cru la perdre et était inconsolable...

    À cet instant, Castiel était perdu et ne savait comment réagir. Il avait espéré la retrouver, mais avait aussi cru à tout ce qu'il avait lu sur le duo de chanteurs. Il craignait que sa « place » qu'il s'était imaginée dans son cœur ne soit qu'une chimère. Il n'eut cependant pas le loisir de se pencher plus sur ses pensées. Il reçut une guirlande dans les bras et dut aider Lysandre à les accrocher au plafond. L'exercice l'amusa plus qu'il n'aurait aimé l'avouer.

    – On fête quoi ? S'enquit-il.

    – Lui, il a vraiment rien écouté, s'amusa Ludwig. La petite fête ses quatorze ans. Non seulement elle est adorable, mais elle est née le jour de l'amour. Si c'est pas meugnon.

    Un trop large sourire s'étira sur le visage de Castiel. Il ne put s'empêcher de s'imaginer un second baiser à l'occasion d'un nouvel anniversaire. Toute mauvaise pensée chassée de son esprit, il prit goût à aider le groupe qui l'accepta rapidement comme l'un des leurs. Gontran apporta un gâteau blanc, décoré de roses roses au nom de Séraphina. Quatorze bougies brûlaient tranquillement, attendant d'être soufflées.

     

    À l'instant même où la porte menant à la scène s'ouvrit, le cœur de Castiel fit un bond dans sa poitrine. Bastien fut le plus prompt et éteignit la lumière, afin de garantir la surprise. Au fond de lui, il appréhendait la réaction de la jeune femme. Après tout, elle ne l'avait pas vu dans le publique et n'avait jamais donné suite à ses nombreux messages.

    La petite silhouette qui pénétra dans la pièce s'empressa de chuchoter :

    – Chuuuut, c'est que moi. Oscar la retient, on a encore quelques minutes.

    Lysandre souffla alors les bougies et vint refermer la porte. Lorsque la lumière fut rallumée, Koga, Ulrich et Amalrik vinrent sortir de petits paquets de leurs sacs. C'est à cet instant que Koga remarqua Castiel. Instantanément, il vint lui sauter au cou et l'entraîna vers la scène. Alors qu'il allait protester, le plus jeune lui chuchota :

    – Va la chercher, elle va être aux anges. Promis !

    Enhardi par cette confidence, Castiel s'aventura dans un petit couloir tapissé de tissu noir. Celui-ci n'était que faiblement éclairé, malgré tout, il distinguait sans mal deux silhouettes appuyées contre le mur, proches de la scène.

    Il y reconnu Oscar, penché sur Séraphina. Il lui maintenait délicatement le visage relevé et c'est avec horreur qu'il le vit combler la distance qui séparait leurs lèvres. Ayant encore espoir de la voir le repousser, il grimaça en la voyant passer ses bras autour de son cou, comme pour l'encourager. La douleur fut telle, qu'il tourna les talons et ignora jusqu'à Lysandre, qui tenta de comprendre ce qu'il lui prenait.

     

    De son côté, Oscar qui lui avait jeté de discrets coups d’œil, afficha un sourire satisfait. Séraphina qui n'avait rien remarqué continuait de chuchoter :

    – Tu es sûr que grand-père a dit qu'il appellerait ?

    – Bien sûr ! Mais il ne pourra le faire que vers dix heures ce matin, il est en décalage horaire. C'est fini ces grosses larmes, alors ? Refais-moi un grooos câlin, ça ira mieux.

    – Mais j'suis pas triste, je suis heureuse...

    De nouveau, il vint cueillir l'une de ses larmes du bout des lèvres. Un raclement de gorge les interrompis. Sans même quitter sa position, Oscar jeta un regard surpris à Bastien, qui se frappa le front en signe de lassitude.

    – T'es sérieux ? J'ai cru que vous vous bécotiez...

    – Hey, sa bouche est à au moins cinq centimètres.

    – Oscar espèce de gros balourd, gronda Koga. Je t'ai déjà dit qu'on mange pas ses larmes ! Surtout que l'autre fois, on a failli avoir une vidéo ultra compromettante à cause de tes âneries ! Le pire c'est qu'elle était archi fausse, mais avec le texte ajouté même moi j'y aurais cru !

    L'éclat de rire de la blonde fut tel, qu'il parvint même dans la salle qui se vidait petit à petit de ses clients. Pour son plus grand malheur, il parvint aux oreilles de Castiel qui fulminait. C'est une voix familière qui le sortit de sa rêverie : Débrah était à présent accoudée au bar et lui offrait un verre. Peu désireux de rester, il déclina d'abord l'offre. Quand une voix leur parvint de la scène.

    – Bien, mes très chers amis, nos groupes ayant fini de chanter et ne servant plus de repas... Je vous propose de passer à la seconde partie de la soirée : le karaoké est à vous !

    Gontran installa un petit escalier près de la scène et tendit le micro aux personnes qu'il croisait. Lorsqu'il le tendit à Débrah, elle s'en saisit et jeta un regard suppliant au rockeur, qui finit par céder, tant par vengeance que par pitié.

     

    C'est ainsi qu'elle le vit... alors qu'elle regagnait les coulisses, Séraphina fut intriguée par un bruit sur scène. En se retournant pour voir quelle en était l'origine, elle n'en crut pas ses yeux : son inconnu était là, sur scène et s'apprêtait à chanter. Par réflexe, elle l'interpella en lui faisant signe.

    Du coin de l’œil, Castiel n'eut plus aucun mal à la voir, la lumière de la salle derrière elle éclairant parfaitement son visage. Quand Débrah vint se coller à lui afin de lui proposer une chanson sans avoir à élever la voix, il vit là sa vengeance.

    Dans un geste qu'il savait cruel et puéril, il embrassa à pleine bouche la jeune femme qui elle, ne se fit pas prier pour poursuivre le baiser.

     

    Anéantie, Séraphina retourna auprès de ses amis et ne put feindre la joie, lorsque tous lui crièrent en chœur un « Joyeux Anniversaire ». Elle éclata en sanglots, là, au milieu de ceux parmi qui elle se sentait chez elle. Elle ne craignait pas d'être jugée, mais s'excusa tout de même d'avoir « gâché leur surprise ».

    Ce fut Lysandre qui fut le plus prompt à la cueillir au creux de ses bras. Là, il l'étreignit avec force et la pria de se confier sur la raison d'une telle peine. Bien qu'elle ne parla pas, elle s'accrocha à lui comme un naufragé à sa bouée. Rapidement, tous vinrent au même instant étreindre à leur tour le duo, témoignant à la blonde leur affection et leur soutien.

    – Princesse, l'interpella Bastien d'une voix douce. Écoute, ça n'est pas grave, d'accord ? Le gâteau, on va le mettre au frais et si tu t'en sens le cœur, on viendra fêter ça dans la journée.

    – Vous avez eu vos chambres ? S'enquit Icarus auprès d'Oscar.

    Pour toute réponse, le blond secoua la tête. Il gardait les bras croisés et posait un regard embué sur celle qu'il aimait. Il n'avait pas imaginé les conséquences de ses actes.

    – Une seule et avec seulement deux petits lits. On ne peut même pas en faire rajouter.

    Koga lui jeta un regard méfiant et vint chuchoter à Lysandre :

    – Prends-nous avec toi, Séra et moi. Il est bizarre ces derniers temps et je sais qu'à lui, elle ne pourra pas parler.

    Étonné, Lysandre accéda pourtant à la requête du plus jeune et déclara que s'il dormait avec son frère, Koga pourrait prendre leur canapé et Séraphina son lit.

    N'osant protester devant tout ses amis, Oscar accepta à contrecœur. Rapidement, les garçons se répartirent le reste du groupe.

     

    Tandis qu'ils attendaient l'arrivée de Leigh, Bastien vint tirer Oscar à lui en lui passant son bras autour du cou. Il n'aimait pas voir le guitariste couver ainsi la jeune femme du regard avec un tel air coupable. Il déclara d'un ton qu'il ne voulut pas si rude :

    – Laisse-la un peu, bon sang. On dirait que t'as confiance en personne, on est tes potes ou pas ?

    Pour la première fois, il entendit Oscar bafouiller et le vit rougir :

    – Oui... T'as raison, excuse-moi Bastien. Bien sûr que j'ai confiance en vous !

    Instantanément, le brun se radoucit et lança d'une voix perchée en dansicotant :

    – Allez viens par là ma poule ! Tu vas pouvoir dormir avec moi ! Mais tu me laisses dormir, hein ? C'est que je suis fatigué...

    En voyant le regard triste qu'Oscar jeta sur Séraphina, il se promit de le faire parler : persuadé qu'il n'était pas étranger à son chagrin.

     

    Il ne restait plus que Koga, Lysandre et Séraphina lorsque Leigh arriva chez Gontran. Ceux-ci l'avaient attendu devant le café et s'empressèrent de monter dans la voiture du jeune homme afin qu'il n'ait pas à se garer.

    Celui-ci les salua avec une peine certaine dans la voix : il effectuait un inventaire quand il avait reçu l'appel de Lysandre lui expliquant la situation. Il avisa la blonde assise à ses côtés et vint tendrement effleurer sa joue d'une main caressante.

    Ne sachant que dire, il les ramena jusque chez eux et invita Koga et Séraphina à pénétrer dans l'appartement tout en s'excusant pour le désordre.

    L'appartement était simple : ils pénétraient directement dans un petit salon où se trouvait un canapé, une table ainsi qu'un meuble télé près duquel une travailleuse était installée. La porte de la chambre de Lysandre était visible depuis celui-ci, tout comme le petit couloir menant à la cuisine ainsi qu'à la salle d'eau.

    Ne sachant trop comment réagir, Leigh les invita à s'asseoir tout en enlevant une pile de papiers de la table. Enfin, il leur demanda s'ils avaient eu le temps de se restaurer. Comme Lysandre lui indiqua que non, le brun partit s'affairer en cuisine, bien vite suivi de Koga.

     

    Leigh lui offrit un bref sourire gêné, avant de plonger la tête dans son frigo :

    – Tu ne restes pas avec eux ?

    Koga l'observa : il le devinait plus concerné par la situation qu'il ne le montrait et n'avait pas voulu le laisser seul. De son éternel ton nonchalant, il lui assura tout en enfonçant ses mains dans ses poches :

    – Non, je pense que pour l'instant, laisser Lysandre la mettre à l'aise c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Et puis je t'aime, moi !

    La confidence arracha un rire au plus âgé, qui vint lui tapoter le sommet du crâne.

    – Merci, souffla-t-il. J'avoue ne pas savoir comment me rendre utile, alors...

    – Oh t'en fais pas trop. Déjà, tu nous prends chez toi. C'est énorme, parce que crois-le ou non, je crois que c'est vous qu'elle préfère. Oh bien sûr elle aime tout le monde, mais c'est qu'avec vous qu'elle se lâche vraiment comme avec nous. Donc je pense que ce soir elle parlera.

    – Je l'espère, souffla Leigh.

    Tandis que son regard se perdait dans le vague, Koga en profita pour prendre sa place et sortit quelques œufs. Il manqua de les laisser tomber, lorsque Lysandre jaillit tel un diable par la porte. Surpris, il s'excusa auprès de son frère et Koga, qu'il avait vu sursauter. Rougi, il bredouilla :

    – Je venais prendre des boissons pour tout le monde. J'ai envoyé Séra à la douche. Ça lui fera du bien et ça nous laisse un peu de temps.

    Étonné, Leigh le dévisagea :

    – Du temps ?

    – Pour savoir quoi faire, confia Lysandre. Je sais pas comment aborder la chose et quand je lui demande directement... ça ne fait que la relancer.

    Koga soupira tandis que les deux frères posaient un regard perdu sur lui. Il connaissait Séraphina depuis sa plus tendre enfance et tous deux étaient si proches, qu'elle avait bien vite remplacé sa jumelle qui ne l'aimait guère. Aussi, tous s'étaient toujours référés à lui concernant la jeune femme. Mais pour l'heure, même lui ignorait comment aborder le problème. Il baissa tristement la tête et murmura :

    – J'suis largué les mecs... Je suis persuadé que c'est une peine de cœur. Sauf qu'elle n'en a jamais eu avant... c'est tout nouveau. Je... Je pense qu'il faut juste agir normalement, ne pas toujours rester tous entassés avec. S'accorder des moments seuls à tour de rôle. Elle finira bien par se confier à l'un de nous.

    – Qui ?! S'étonna Leigh.

    Lysandre quant à lui demeura silencieux. Il songea à la « fuite » de Castiel, mais balaya rapidement cette hypothèse : ses deux amis ne se connaissaient pas et il ne l'avait pas vu converser avec elle. Aussi se dit-il que cela ne pouvait que concerner Oscar.

    – Oscar...

    Koga secoua la tête avec conviction :

    – Non. Je peux te jurer qu'on serait au courant. Le groupe compte plus que tout pour nous, et il nous a très vite confié qu'il en est amoureux quant il l'a découvert. C'est un pacte qu'on a tous passé, dans l'enfance : si ça concerne les membres, on ne se cache strictement rien.

    Tandis que les deux frères saluaient l'initiative, une petite voix appela à l'aide :

    – Excusez-moi... j'ai pas mes affaire, j'ai oublié.

    Amusé, Lysandre sortit de la cuisine pour s'empresser de lui prêter quelques vêtements. De son côté, Leigh soupira et s'affaira à la préparation d'une omelette aux légumes.

     

    Tandis qu'il l'aidait à couper les différents ingrédients, Koga observait son aîné qui lui semblait porter tout le poids du monde sur ses épaules. Au salon, Lysandre avait fini par réussir à faire rire la blonde.

    – Et toi... ça va ? La boutique, tout ça ?

    Surpris, Leigh sortit un instant de sa torpeur et l'observa, avant de lui sourire :

    – Oui, merci. J'étais en inventaire et n'ai pas pu venir vous voir. Chose que je regrette plus encore, maintenant que je sais comment ça s'est terminé.

    Koga portait une affection toute particulière à Leigh, qu'il voyait non seulement comme un ami, mais également comme un miroir de ce qu'il aurait bien pu devenir un jour, lui qui au fond, demeurait un grand timide.

    – N'y pense pas trop. On était tous là et pourtant, c'est quand même arrivé. Mais dis-moi plutôt... depuis quand tu aimes cuisiner toi déjà ? Non parce que je me souviens être venu ici il y a quoi ? Deux... trois ans. Et c'était rempli de plats tout prêts et t'avais tout juste un micro-ondes.

    La boutade fit rire Leigh qui cessa un instant sa préparation. Enfin un sourire naquit sur son visage, tandis qu'il se replongeait dans ses souvenirs.

    – C'est depuis que Séraphina vient à la ferme, pour les vacances. Je la voyais toujours aider ma mère et j'ai fini par l'imiter. J'y ai pris goût et maintenant, la cuisine me calme.

    – Ah c'est sûr que découper des trucs en rondelles, ça aide !

    Le ton qu'il avait utilisé fit éclater de rire Leigh, qui lui donna une tape dans le dos en guise de remerciement.

     

    Au salon, Séraphina sourit en entendant leur aîné rire. Elle était toujours très affecté par les récents événements, mais se trouver ainsi entourée de ses amis lui faisait le plus grand bien.

    Lysandre était venu lui apporter une chemise ainsi qu'un vieux pantalon, toutefois, elle n'avait pas été en mesure de le garder, même avec une ceinture. Aussi s'était-elle improvisé une robe avec sa chemise. Lysandre l'avait alors faite rire en déclarant que cela inspirerait certainement une collection à son frère.

     

    Lorsque ses amis revinrent, ils se restaurèrent dans la bonne humeur. Koga se faisant un devoir de raconter toutes les bêtises faites durant leur séparation. Ce qui ne manqua pas d'amuser les deux frères. Pour finir, il interrogea Lysandre :

    – Et toi d'ailleurs, tu perds toujours tes carnets au lycée ?

    – Juste au lycée ? S'amusa Leigh. Même dans l'appartement il les égare ! Jusque dans ma boutique !

    Tandis que tous trois riaient de bon cœur, Séraphina les observa avec un fin sourire. Malgré son chagrin, elle se sentait bien et chérissait chacun de ces instants passés en leur compagnie.

    Une fois le repas achevé, elle suivit tout naturellement Leigh, parti faire la vaisselle. Tandis que Lysandre allait lui emboîter le pas, il fut retenu par Koga qui lui fit comprendre de les laisser.

    – Elle commence tout juste à être à l'aise, chuchota-t-il. Laisse-les.

    En voyant le trouble du victorien, il lui proposa une occupation, telle que regarder la télévision. Lorsque Lysandre réalisa combien la situation pouvait être éprouvante pour Koga également, il lui proposa de dépoussiérer l'une de ses vieilles consoles afin de « faire une partie » . Touché par le geste, Koga accepta avec joie.

     

    De leur côté, Leigh et Séraphina s'affairaient en silence, jusqu'à ce que la jeune femme ne souffle :

    – Merci beaucoup, Leigh.

    Ces seules paroles suffirent à lui donner le sourire. Il se rapprocha de la jeune femme tout en continuant sa tache et vint déposer sa tête sur la sienne. À son tour, il déclara à voix basse :

    – Mais de rien. Je ferai tout mon possible pour te rendre le sourire.

    Il cessa un instant tout mouvement et garda le regard rivé sur son assiette. Inquiète, la blonde l'appela d'une voix douce, l'extirpant de sa torpeur.

    – Est-ce que ça va ?

    – Oui, ne t'inquiètes pas. C'est juste que... je crains que l'on ne te fasse du mal à vouloir que tu nous expliques ce qu'il s'est passé. Alors... Rassure-moi juste, s'il te plaît : on ne t'a pas fait de mal ? Physiquement j'entends...

    Touchée, la blonde s'essuya les mains et vint l'enlacer tout en lui assurant qu'elle allait bien. Leur tache achevée, Leigh lui proposa de voir ses dernières créations afin de la distraire. Celle-ci accepta bien volontiers et le suivi jusque dans sa chambre.

    Intimidée, elle attendit son invitation pour le suivre. Celle-ci était bien différente de ce qu'elle avait pu en voir, les quelques fois où elle y avait pénétré. Elle était bien plus ordonnée et les différents mannequins disposés ici et là avaient laissé place à des étagères remplies de classeurs colorés. Seul le coin de celle-ci n'avait pas changé : un bureau simple s'y trouvait sur lequel trônait un ordinateur ainsi que de nombreuses photos les représentant lors de leurs visites chez les parents des deux frères.

    Il sourit en la voyant s'en approcher et détailler la première qui avait été prise.

    – On a bien grandi depuis, pas vrai ?

    – Surtout toi, s'amusa-t-elle. Même si tu as toujours fait plus adulte.

    Leigh baissa la tête en soupirant discrètement. Il se saisit d'un carton à dessins présent sur le bureau et lui désigna le lit :

    – Installe-toi je te rejoins. Je vais nous chercher à boire.

    Alors qu'il s'apprêtait à passer le pas de la porte, il se retourna et lui souffla :

    – Je n'ai que deux ans de plus que Lysandre, tu sais...

    Loin de réaliser toute la peine du jeune homme, la blonde acquiesça et vint s'asseoir sur le bord du lit.

    Dans le silence pesant dans lequel elle se trouva, des flash de la soirée lui revinrent avec violence. Elle avait beau essayer de les chasser, elle revivait encore et encore ces instants et s'interrogeait sur ce qu'il aurait convenu de faire : fuir, comme elle considérait l'avoir fait, ou bien le confronter.

    Toute à ses pensées, elle vint accoler son front contre la vitre froide donnant sur la rue. Elle se refusait à verser de nouvelles larmes qu'elle considérait inutiles.

    Lorsqu'elle entendit Leigh revenir, elle décida que ses amis en avaient assez fait pour elle et se composa une mine plus joyeuse. Elle s'empressa de venir s'étaler de tout son long en travers du lit de son ami.

    Le sourire qu'il lui offrit en pénétrant dans la pièce lui indiqua qu'elle avait bien fait. Il déposa sur la table de chevet deux tasses de chocolat fumant et récupéra son carton à dessins. Le jeune homme sourit en constatant qu'il n'avait plus beaucoup de place et lui demanda, amusé :

    – Est-ce qu'on ne serait pas mieux dans le bon sens du lit ?

    Sa bonne humeur étant communicative, la blonde roula sur celui-ci et lui décocha un sourire taquin :

    – Hmmm j'sais pas trop... T'as déjà dormi la tête aux pieds et vice versa ?

    – C'est quoi cette question ?! S'esclaffa-t-il. Non... Ou si ! Mais j'avais cinq ans.

    La confidence parut rappeler quelque chose à Séraphina qui se redressa subitement :

    – Faut que ta maman me montre vos photos ! Elle oublie toujours !

    Leigh roula des yeux tandis qu'elle s'installait enfin de façon plus conventionnelle.

    – C'est de famille de toute façon... Heureusement, j'y échappe le plus souvent.

    Lorsqu'à son tour il fut confortablement adossé contre la tête de lit, il lui présenta un premier dessin.

    Si tout d'abord elle parvint à réagir à chacune de ses créations, elle eut plus de peine lorsque l'une d'entre elle lui rappela la tenue portée par son inconnu. Sentant son avant-bras s'humidifier sous les larmes silencieuses de son amie, Leigh rangea ses travaux et lui caressa la joue afin de lui faire comprendre qu'il souhaitait récupérer le bras sur lequel sa tête reposait.

    Quand il fut en mesure de se mouvoir, il lui présenta ses bras dans lesquels elle finit par se blottir, après une brève hésitation. Là, elle pleura tout son saoul, comme lorsqu'elle s'était trouvée en coulisses. Son chagrin était tel que même Leigh peina à ne pas verser de larme. Son cœur se serrait de sentir la jeune femme aussi malheureuse. Il se contenta de l'étreindre aussi fort qu'il le pouvait tout en venant caresser ses cheveux.

    – Tu ne veux pas me raconter ? Demanda-t-il d'une voix rendue rauque.

    – Mais c'est juste débile... couina Séraphina.

    Leigh fronça les sourcils et secoua la tête en signe de négation.

    – Pas si ça te blesse à ce point. Tu sais que je ne te jugerai pas. Aucun d'entre nous ne le fera.

    À force de paroles rassurantes, il parvint finalement à la faire parler sur les événements survenus l'été précédent et finalement, sur l'événement ayant mené à un tel chagrin le soir-même.

    Pour la toute première fois, elle sentit Leigh se mettre véritablement en colère et se raidir. Il fulminait de voir que « cet imbécile » comme il se le nomma, n'avait pas su profiter de la chance qu'il avait. Il demeura silencieux le temps de mûrir ses paroles et lui souffla à contrecœur :

    – Je n'ai qu'un seul conseil à t'adresser... Oublie-le. S'il a agit ainsi, c'est qu'il ne méritait pas un seul instant tout l'amour que tu lui portes. Jettes donc ces horribles choses que tu t'évertues à garder et...

    Il soupira et l'étreignit jusqu'à ce qu'elle ne lui signifie un début de douleur par un bref couinement. Ce qu'il s'apprêtait à dire lui en coûtait plus qu'il ne l'aurait imaginé.

    – Si je peux me permettre un autre conseil... Si ça n'est pas déjà arrivé... Tu... Aimes n'importe lequel d'entre nous si tu le peux. Tu n'auras jamais à en souffrir à ce point. Je peux t'assurer qu'un bon nombre s'en estimerait très chanceux et ferait son possible pour te combler.

    Pas un seul instant Leigh ne s'était attendu à déclencher un nouveau sanglot chez la jeune femme. Il ignorait lui avoir rappelé une conversation tenue avec Oscar, quelques mois plus tôt et reprise sans le savoir par Amalrik.

    Ses pleurs finirent par alerter Lysandre et Koga qui venaient s'assurer que tout se passait bien. Durant de longues minutes, ils firent leur possible pour calmer la blonde dont le flot de larmes ne semblait pas vouloir se tarir.

    Lorsqu'enfin elle s'endormit dans les bras de Leigh, celui-ci s'amusa de constater qu'elle avait si bien attrapé sa chemise, qu'il lui était impossible de la laisser. C'est avec un sourire béat qu'il se glissa à ses côtés, sous le regard sévère de son cadet.

     

    Koga, quant à lui, attira Lysandre dans le salon et lui jeta le regard le plus dur qu'on ne lui eut jamais connu. Surpris, le victorien le pressa de lui dire ce qui n'allait pas.

    – Ce type qui était en coulisses... tu le connais, n'est-ce pas ?

    Soudainement méfiant, Lysandre prit garde d'afficher un air neutre et l'interrogea :

    – Oh, à peine... Je ne suis pas sûr, je crois qu'il est dans mon lycée. Pourquoi cela ?

    Après une brève hésitation, le plus jeune lui fit signe d'approcher et lui chuchota :

    – C'est lui le fameux inconnu avec qui on n'arrête pas de la charrier. Je... Je trouve cette histoire un peu trop louche. Alors je t'en conjure... File-lui mon numéro. Pas celui d'Oscar ! C'était trop bizarre son attitude ce soir. Je t'ai dit que ça fait des mois qu'il est étrange... Je le soupçonne de pas être inconnu à tout ça.

    Lysandre eut toutes les peines du monde à maintenir son air neutre et bientôt, il grimaça tandis que les pièces du puzzle s'assemblaient. Tout semblait plus logique à présent : Castiel qui se dirigeait sans hésitation vers la peluche, qui semblait subjugué par la scène... Jusqu'à ses questions.

    Lors de leur rencontre, il avait rapidement découvert son intérêt pour les Chained et s'était donc gardé de lui parler de leur amitié, par prudence.

    En le voyant baisser tristement la tête, Koga lui tapota le sommet du crâne avec un sourire contrit. Il déclara de sa voix douce :

    – Allez mon pote. Excuse-moi pour ça. C'est que tu comprends... Séra je l'aime plus que tout. Plus encore que Juliette qui de toute façon me mérite pas. Je ferai tout pour son bonheur.

    Il était si rare d'entendre le jeune homme évoquer sa jumelle que Lysandre l'observa avec un tel étonnement, que le brun éclata d'un rire franc :

    – Ah non tu t'imagines pas ça, hein ! Séra et moi oui, on a un pacte : si un jour on se découvre un sentiment amoureux on se donnera une chance. Mais c'est pas prêt d'arriver. On est jumeaux de cœur après-tout. Donc relax. Et puis Ulrich voit clair en vous.

    Son regard dur et presque menaçant se mua en une moue triste. Tous deux prirent place dans le canapé et tandis qu'ils sirotaient les chocolats préparés par Leigh, Koga empoigna sa tasse dans une attitude lasse. Soudain, il lia à nouveau leurs regards.

    – Je compte vraiment sur toi pour ce coup-là Lysounounours. Range un peu ton cœur pour son bonheur. De toute façon pour l'instant il n'est pas libre et il est tout cassé...

    En le voyant s'empourprer, il poursuivit :

    – Je suis pas con... Pas toujours, et t'es cramé depuis longtemps mon vieux. Promets-moi juste que si ça se fait, tu feras tout pour le réparer.

    – Évidemment, bafouilla-t-il.

     

    Leur soirée s'acheva sur des discussions diverses afin d'alléger l'ambiance. Le lendemain, bien qu'elle ne fut évidemment pas au sommet de sa forme, la blonde consentit à fêter son anniversaire entourée de ses plus chers amis. Là, elle ne manqua pas de tous les remercier un à un pour leur sollicitude. En son fort intérieur, elle se promit de ne plus jamais faire confiance à un homme qu'elle ne connaîtrait pas depuis plusieurs mois.

    Elle ne savait cependant pas que de ce fait, cela l'empêcherait de côtoyer d'autres garçons que son cercle très fermé d'amis.

     

    De son côté, Oscar tenta de recontacter le fameux inconnu, qu'il avait auparavant bloqué à de nombreuses reprises : autant de fois que celui-ci avait créé un compte dans l'espoir d'entrer en contact avec la jeune femme. Toutefois, il n'obtint jamais de réponse. N'ayant pas pris la peine de lire en détail ce que Castiel pouvait raconter à la jeune femme, il ne possédait aucune information supplémentaire à son sujet.

    Résigné, le jeune homme s'était alors contenté de tout faire pour faire oublier à Séraphina cette blessure et lui redonner confiance en l'amour.


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